2010-11-25_Point sur les bibliothèques comme lieux de vie

 

Compte-rendu du « Point sur » Les bibliothèques comme lieu(x) de vie

Présents : Pascal Visset, BM de Sceaux / Sylvie Balantzian et Laurence Hazemann, BM d’Antony / Florence Godé, François-Xavier Bullot, Céline Maheux,  Sophie Thiébaut, BM de Montrouge

Tout est parti des conflits, voire de batailles de nounous en BM... Ajoutons les problèmes de cohabitation entre les personnes âgées et les enfants, les unes jugeant parfois les autres trop proches quand leurs espaces sont séparés ou indésirables quand leurs espaces sont confondus !

Et les difficultés peuvent tourner en certains endroits à des frictions de nature interethnique…

Il importe donc de réfléchir aux bibliothèques comme lieux de vie.

Qu’est-ce qu’un lieu de vie ? Qu’est ce qui n’est pas un lieu de vie ? Les bibliothèques ne sont elles pas depuis longtemps des lieux de vie ? Le point de départ de la réflexion ne se trouve-t-il pas dans les missions habituelles de la médiathèque ? Lieu non plus exclusivement réservé à la culture, à la réflexion, à l’information, au travail silencieux, peut-on venir flâner, bavarder, paresser, se changer les idées, bref vivre le quotidien de la vie à la bibliothèque ? Ces lieux de socialisation, de rencontres : comment les interdire ? Et que peut-on attendre d’un public qui ne respecte pas toujours les règles de bienséance, le respect d’autrui ?Quoi qu’il en soit, la question est fondamentale pour les bibliothèques… et leur avenir.

En ce domaine, deux « écoles » s’opposent.

La première estime que la BM ne doit pas être un lieu de vie ou une MJC. Le but n’est pas de faire du chiffre (un maximum de fréquentation et/ou un maximum de prêt), mais de promouvoir le progrès social. En cela, l’établissement touche à des activités qui ne sont pas strictement culturelles (Pôle emploi, écoles, etc…). En ce cas, pourquoi placer la BM sous la tutelle des services culturels ? Thierry Giappiconi, directeur de la BM de Fresnes, est l’un des théoriciens de cette vision des choses.

D’autres estiment que la  BM qui doit être un 3e lieu de vie, quitte à remettre en question sa mission première. Un objectif : se sentir chez soi, comme en un « Troisième lieu ». Ce concept nouveau désigne un espace qui n’est ni le domicile (1er lieu), ni le travail (2e lieu), mais un lieu de vie, de socialisation, d’échange. La médiathèque peut parfaitement remplir ce rôle. Stéphane Decreps, maire-adjoint à la culture de Levallois, défend cette idée et cette pratique de 3e lieu. Très adepte du 3e lieu, Claude Poissenot estime indispensable de coller à la demande.

Sur le sujet de la politique documentaire, ces deux conceptions s'opposent également. T.Giappiconi défend la permanence de l'intérêt d'une politique documentaire face aux abonnements systématiques à des collections et des flux. Inversement, Patrick Bazin parle lui du « sacro-saint verrou de la collectionnite aigue et de toute la panoplie de ses prétentieuses politiques documentaires » et estime qu'il faut toucher les gens, les faire venir, adapter les services aux besoins.

Revenons à la pratique. L’espace des périodiques fait souvent office de lieu de rencontre et de sociabilité... fut-il mis quelque peu de côté pour cette raison. Mais l’espace général peut être conçu comme lieu de socialisation où faire cohabiter tous les publics. Ainsi est-ce le cas de la médiathèque/annexe des Baconnets à Antony, où deux plateaux sont investis par tous les publics, sans aucune zone particulière. L’espace multimédia, au RDC, n’est pas cloisonné et côtoie la littérature pour adultes et adolescents. Les collections sont réunies (en haut des étagères se trouvent les documents adultes, en bas les documents jeunesse). Prêt et retour se font sur automate au rez-de-chaussée.

Le public se compose surtout de jeunes, dont des adolescents un peu turbulents. Le succès est au rendez-vous, accompagné toutefois de quelques récriminations, différentes selon les âges. Evoquons parallèlement les différences de comportement des agents face au public, ce qui peut causer des tensions au sein de l’équipe.

Toutefois, une étude a été faite démontrant que le public préfère les petits espaces aux grands espaces, et qu’il cherche parfois à recréer de petits espaces dans les grands ! Lire caché, dans l’intimité, semble plaire à de nombreux usagers. Le discours de l’architecte peut s’opposer au discours du bibliothécaire ! On rencontre là la réflexion sur le zonage, ou zoning en anglais, répartition de l’espace que propose l’architecte et/ou le bibliothécaire… et dont dispose l’usager !

Notons que la loi sur l’accessibilité à tous aux services proposés (et donc aux publics empêchés de toute nature) sera applicable en 2015, et représentera un élément nouveau, et de taille, à prendre en compte dans cette réflexion.

Evoquons maintenant quelques problèmes spécifiques.

Ainsi le bruit. Il est notable que le niveau de tolérance au bruit a augmenté, les agents finissant par ne plus l’entendre. Il est important de ménager des espaces où le bruit est accepté : à Fresnes, une salle de travail où l’on peut parler côtoie une autre où l’on ne peut pas.

Autre source de bruit : le téléphone (insup)portable. La sonnerie est la plus gênante, mais la conversation peut être modérée. En ce cas, pourquoi l’interdire ? En quoi est-ce plus gênant qu'une simple conversation ? D’autant que la signalisation est souvent inutile. Autant envoyer les gens sur des paliers où ils ne gênent personne…

Boire et manger : dans quelle mesure l’autoriser ? Aux Pays-Bas, à Delft, la cafétéria est en plein milieu de l’établissement. Dans nos établissements,  faut-il une machine à café ? Faut-il un café avec un barman (ce qui au passage fait un poste de plus à gérer !)? Et l’alcool ? Il y en a bien dans les théâtres…

Evoquons aussi les cafés en plein milieu des librairies, avant les caisses. Mais il suffit de faire payer le livre tâché. Qu’en serait-il en BM ?

Pour conclure, évoquons quelques initiatives qui sont autant de nouvelles pratiques dans des établissement tendant à devenir ces fameux troisièmes lieux : speedbooking à Viroflay (convaincre un interlocuteur, en sept minutes, de l'intérêt d'un livre), bookcrossing à Châlons (disperser des livres dans la rue, dans un parc...), mise à disposition d'instruments de musique aux pays-Bas ou aux Champs libres à Rennes, ou bien encore l'aide aux devoirs à la médiathèque de l’Alcazar de Marseille.