Petits éditeurs BiB92 - Sélection été 2013
Retrouvez la séleciton de la commission petits éditeurs BiB92
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Carpenter, Don (1931-1995). - La promo 49. -Cambourakis. - Traduit de l'américain. - 176 p. - 17,50 €
En vingt-quatre chapitres, vingt-quatre séquences de vie, Don Carpenter saisit sur le vif ces instants décisifs au cours desquels des adolescents basculent dans l'âge adulte.
La promo 49 nous fait partager leurs rêves, leurs désillusions, les défis insensés qu'ils se lancent parfois, les directions qu'ils prennent sans les avoir vraiment voulues, leur souffrance tenue secrète, leur solitude souvent malgré le désir de ne pas se démarquer des autres. Ils sont tous différents, tous émouvants, dépeints par un écrivain désenchanté qui avait l'âge de ses personnages, lorsqu'il a fait paraître cet ouvrage en 1949.
L’auteur ressent, pour ces anti-héros, une empathie qu'il fait partager à son lecteur dans ce court récit si simple et limpide, et pourtant si dense, empreint d'une certaine nostalgie, et qui, de façon extrêmement pudique, fait jaillir une émotion presque inattendue.
Chaillol, Cédric. - Sennefer, tome 1 : Les larmes de Kémi. -Matagot. - 336 p.- 15€
Ouaset (Thèbes), XVe siècle avant notre ère. Scribe au service des inventaires du port fluvial, Sennefer découvre un bordereau non rempli et pour cause, puisque la marchandise a disparu ! Il n’imagine pas dans quel guêpier il vient d’entrer…
La couverture laisse imaginer un roman fantastique, mais il s’agit plutôt d’un polar historique, passionnant, bien documenté (à ne pas rater, les 36 pages de dossier documentaire). Et c’est une ancienne étudiante en égyptologie qui l’affirme !
On plonge avec bonheur dans la XVIIIe dynastie, on vit l’avènement de Thoutmès III (Touthmôsis) qui reprend son rôle de roi après l’intermède (22 ans, tout de même) du « roi » Hatshepsout !
Accompagné de son alter ego Pahy, ex-militaire et ami épicurien, le trop sérieux Sennefer apprend à nager en eaux troubles, celles des complots et des règlements de comptes… : un régal !
Les larmes de Kémi (l’Egypte) annoncent une suite. On l’espère. Mais ce roman se termine bien à la fin du volume… Attendons d’autres aventures de nos héros ! Il peut séduire tous les publics, y compris les ados !
L’auteur est un inconnu qui travaille dans la communication ; ce livre est son premier roman. Qu’il continue surtout !
Chazel,Laetitia. -Drôle de genre-Alma. - 294 p. - 18,50 €
A 40 ans, Janis-Pearl est capitaine de la Brigade des mœurs. Elle vit seule à Paris. Après une enquête qui tourne mal par sa faute, elle quitte la police. Comme elle vient d’hériter de son père, elle projette d’acheter une maison dans les Alpilles, où réside Jade, sa seule amie.
Installée chez cette dernière et Toni, qui tiennent une maison d’hôtes, flanquée d’un mentor en la personne de Victor, un voisin, Janis se lance dans sa nouvelle vie avec application. Jusqu’au moment où, près de là, une petite fille, placée dans une famille d’accueil, disparaît. Contre toute attente, et malgré son expérience, Janis refuse de se mêler de l’affaire. A l’inverse, elle se passionne pour les révoltes et désarrois d’Emma, la fille du couple de notables dont elle envisage d’acheter la maison. Persuadée qu’Emma est battue par son père, l’ex-flic de la brigade des mœurs prend fait et cause pour l’adolescente. Elle accepte de l’aider, au point d’organiser un chantage.
Que cherche donc Janis-Pearl, cette drôle de fille ? Quel est le secret dont elle est incapable de parler ? Quelles ombres risquent-elles de surgir des ténébreuses affaires dans ces Alpilles ensoleillées ?
Un roman bien sympathique, avec des personnages complexes et bien analysés. Enfin une histoire qui n’est ni dépressive, ni déprimante ! Une écriture qui reflète très bien la personnalité de Janis-Pearl et ses réflexes de flic. Un thème inattendu surgit à la fin, qui permet de percer un peu le mystère de Janis, à vous de le découvrir…
Cheon, Un-Yeong. - Adieu le cirque !.- S. Safran. - 266 p. - Traduit du coréen. - 17,50 €
Née à Séoul en 1971, l’auteurs'impose avec un succès immédiat, critique et public. Elle est vite considérée comme une voix exceptionnelle, représentante hors norme de la nouvelle génération.
Lecteur pressé, s’abstenir ! Ce roman plaira aux amateurs de lectures longues et poétiques, dans lesquelles l’on prend le temps d’observer les relations humaines et les subtilités de la vie. Très belle plume que celle de Un-YeongCheon qui peint avec sensibilité les portraits de Yunho et d’Haehwa. Le premier va aider son frère handicapé à trouver une épouse chinoise : Haehwa. Celle-ci aspire à une vie plus libre en Corée, et s’intégrera à sa nouvelle famille avec facilité. Mais très vite, Yunho tombe amoureux de sa belle-sœur…
Mariages arrangés, amours impossibles, oubli du passé et quête d’avenir, tels sont les thèmes évoqués dans ce premier et beau roman.
Cimpoesu, Petru. - Siméon l'ascenseurite. - Gingko. -Traduit du roumain. - 420 p.-23 €
L’action du roman se déroule pendant deux semaines, en automne 1997, dans un immeuble de Bacau, en Moldavie. Tous les personnages habitent en tant que voisins et se connaissent plus au moins. Un jour, Simon, le cordonnier du rez-de-chaussée, décide de s’approprier l’ascenseur de l’immeuble pour le transformer en chapelle.Il s’y enferme pour prier. L’absence de l’ascenseur donne aux résidents l’occasion de se rencontrer sur les escaliers. Ainsi, nous les découvrons successivement, avec leurs préoccupations liées au quotidien très « roumain » et « moldave », mais aussi avec leurs idées politiques et culturelles universelles. Le livre est rempli de références relatives à la philosophie, à la littérature et à la religion orthodoxe. Cependant, il ne manque pas d’humour et de clins d’œil perceptibles et compréhensifs.
La première édition du roman en roumain a reçu le Prix de la revue « Parole » et le Prix de l’Union des Ecrivains de Roumanie. Le roman a également été primé en République Tchèque en 2006.
Il est indispensable aux personnes qui s’intéressent à la Roumanie, à l’évolution de sa société depuis la chute de Ceausescu. C’est un des rares romans qui abordent les changements survenus dans ce pays d’une manière drôle et détachée.
Colize, Paul. - Un long moment de silence. - La Manufacture des livres - 469 p. - 21€
Né en 1953, l’auteur de romans policiers belge vit à Waterloo.Ce thriller historique, qui se déroule de 1920 à nos jours, a été récompensé par le Prix Landerneau Polar et le Prix du Boulevard de l'Imaginaire.
Stanislas Kervyn sort un livre sur la tuerie du Caire en 1954, attentat qui a fait plusieurs morts, dont son père qu’il n’a pas connu. L’affaire n’a pas été élucidée et Stanislas est contacté par un homme qui dit avoir fait partie du commando. Le narrateur voudrait savoir qui était son père, pourquoi il était au Caire, est-il victime ou a-t-il des choses à cacher ?
Notre personnage est autoritaire, cynique, odieux chef d’entreprise, et avec les femmes juste bonnes à être séduites !
L’enquête passe également par New York en 1948, où le jeune Nathan Katz est recruté par la mystérieuse organisation du Chat, qui veut venger les Juifs victimes de la guerre et juger certains des nazis coupables. Nathan consacrera sa vie à traquer les responsables et finira par rencontrer Stanislas…
Ce roman est facile à lire, mais c’est assez long pour être vraiment pris par l’histoire. C’est au lecteur de juger si les éliminations du Chat sont appropriées ou non ; l’auteur ne prend pas parti.
Djabali, Hawa. - Noirs jasmins. - La Différence. - 333 p. - 18 €
Née à Créteil en 1949, HawaDjabali regagne l'Algérie à 12 ans. Plus tard, elle écrit pour la presse sous le pseudonyme d’Assia D. et assume certaines émissions radio, puis les produit. Elle est l'auteur de nombreuses pièces de théâtre et de romans. Elle rejoint en 1989 le Centre culturel arabe à Bruxelles.
Lors de la dédicace par la narratrice des Matins de jasmin, Gabriel Luciano souhaite traduire ses livres. Il est aussi policier, et lui confie au fil de leurs rencontres l’histoire de l’attentat de 2001 jamais élucidé. Des femmes ont été interrogées, mais ce n’étaient pas des terroristes. HawaDjabali s’approprie le fait divers pour en faire un roman, et rencontre les protagonistes.
Djazaïr, Samira, Mouna et Khouloud se trouvent dans un grand magasin à Paris, quand il y a une menace de bombe. Elles sont arrêtées, menottées, interrogées et jetées en prison. Au bout de deux ans, elles seront libérées pour non-lieu. « Pourquoi n’ont-elles jamais protesté ? Se connaissaient-elles ? » demande l’auteur p. 30.
Les quatre femmes sont arrêtées, car elles sont toutes quatre Algériennes, en pantalon noir, tunique sombre, chaussures plates, rousses aux yeux verts, comme signe de reconnaissance ! Elles n’essaient pas de se défendre, de prouver leur innocence, ni de lutter. Croient-elles en la justice française ou au contraire sont-elles fatalistes ? Le lecteur trouvera la réponse dans les dernières pages. HawaDjabali fait à travers ce récit le portrait de mentalités, de coutumes, des relations homme/femme, mêle conte et poésie.
Elder, Marc (1884-1933). -Le peuple de la mer. - La Découvrance. - 229 p. - 16 €
Marc Elder est le pseudonyme de Marcel Tendron. Critique et historien d'art, chevalier de la Légion d'Honneur, il fut conservateur du château des ducs de Bretagne à Nantes. En 1913, il reçoit le prix Goncourt pour Le peuple de la mer, qui retrace la vie des pêcheurs de Noirmoutier, devant Le grand Meaulnes d'Alain-Fournier. Il a publié de nombreux romans, tous marqués par la mer, mais aussi des essais sur ses contemporains : Mirbeau, Romain Rolland, Monet, Renoir, dont il est proche.
Trois nouvelles maritimes, constituant un seul récit relié par des personnages communs, retracent la vie des pêcheurs et de leurs familles à Noirmoutier.
Dans « La barque », Urbain Coët est assez riche pour se faire construire un nouveau sloop, mais il s’attire tant de critiques et de jalousies qu’il le baptise le Dépit des envieux ! Les autres pêcheurs craignent qu’il n’y ait pas assez de sardines, et lors de régates c’est une vraie bataille…
« La femme » fait le portrait de Gaude, jeune femme qui accompagne une poignée d’hommes sur un phare. Ses soupirants se battent pour obtenir ses faveurs, mais elle sait leur résister…
Dans « La mer », P’tit Pierre rêve de prendre la mer, même quand son frère n’en revient pas…
Une bonne découverte et une jolie édition reproduisant des pages du manuscrit original et du dossier de presse établi par la famille après le tollé lié à la parution du livre.
Ellena, Jean-Claude. - La note verte. - S.Wespieser. - 136 p. - 16 €
Claude Naël, exigeant et solitaire, compose les parfums de la société Robert Gallot à Moustiers-Sainte-Marie. Il apprend avec stupeur que sa dernière création est refusée après vingt ans de collaboration ! L’orchidée noire n’a pas séduit Mr Mazuret à la recherche de nouveauté. Celui-ci a embauché à sa place Nicolas Daglance, un jeune homme prêt à suivre les tendances du marché en utilisant des machines dernier cri.
Laure de la Vignerie lui suggère de rechercher la « note verte » ; la tendance végétale chassant les notes gourmandes. Mais Nicolas n’arrive pas à la fabriquer avec un ordinateur, ni à copier Claude Naël. Alors, il emploie une méthode plutôt douteuse…
A travers ce petit roman ensorcelant, le lecteur découvre aussi les dessous de l’élaboration et du lancement d’un parfum. Un livre avec une belle fin, qui s’évapore trop vite !
A lire aussi Journal d’un parfumeur du même auteur (Wespieser, 2011).
Fromm, Pete. -Comment tout a commencé. -Gallmeister, Nature writing. - Traduit de l’américain. - 333 p. - 24 €
Austin, quinze ans vit avec sa famille dans une petite ville perdue au fin fond du désert du Texas. Il est très proche de sa grande sœur Abilene, qui a une très grande influence sur lui. En effet, elle l’entraîne au base-ball depuis toujours. Entrainements plus qu’intensifs, elle rêve de faire de son frère le plus grand lanceur de tous les temps ! Austin semble ne penser et vivre qu’à travers sa sœur. Peu à peu, l’attitude d’Abilene devient de plus en plus incohérente et dangereuse, elle fugue très souvent et sa famille est suspendue à ses incessants allers et retours. Austin voit son monde s’écrouler à l’annonce de la bipolarité de sa sœur.
Avec un style percutant, l’auteur nous plonge dans le monde et l’entourage des personnes bipolaires et nous fait partager la force et l’amour d’une famille face à la maladie.
Gaines, Ernest J. - Le nom du fils. - L. Levi. - Traduit de l’américain. - 270 p. - 19 €
Le révérend Philip Martin vit une existence solide et respectable, avec sa femme, leurs trois enfants et son engagement pour l’égalité des droits des Noirs dans une petite ville de Louisiane. Un jour, rôde près de chez lui un jeune d’une trentaine d’années que Philip va reconnaître. Commence alors une longue marche, car en voulant le sauver, il risque de perdre tout ce qu’il a bâti et de faire resurgir un passé qu’il voulait oublier. L’accompagnent dans cette quête : Alma sa femme, Chippo son ami et les voisins qui vont chacun par leur présence soutenir Philip.
L’art de Gaines est à la fois de nous plonger dans la vie quotidienne des Noirs des années 70, là où la ségrégation est encore très pesante, là où les Noirs indigènes veulent se défendre, là où la communauté vit le danger permanent. Mais en même temps, l’exploration de liens familiaux, les rapports père-fils, la recherche de la rédemption grâce à la religion et le désir de faire le bien pour chacun et pour tous donnent à ce livre une dimension intemporelle. La musicalité des phrases nous fait entendre en toile de fond le blues américain, ce qui rend ce texte encore plus attachant.
Ce très beau roman, fluide, bien construit, sans atermoiements inutiles mérite d’être lu par tous, ados compris.
GudbergurBergsson. - Deuil. -Métailié. - Traduit de l'islandais. - 125 p. - 15 €
Le sifflement de la bouilloire, symbole du quotidien du héros de ce roman, de la réalité qui le rattrape alors qu’il se remémore les souvenirs douloureux de son veuvage prématuré, de ses enfants, de sa vie.
Lorsque l’on demeure seul face à son destin, face au poids des années qu’il nous reste, face à la solitude qui nous envahit, quelle réaction adopter, vers qui se tourner ?
Ce roman raconte l’histoire d’un homme, dont la vie se trouve bouleversée par la disparition de sa femme. C’est en replongeant dans le passé, que le héros tente de faire son deuil et de choisir le sens qu’il veut donner à son existence.
Il est difficile d’écrire un livre sur un sujet aussi particulier que le deuil. GudbergurBergsson réussit plutôt bien cet exercice de style, et invite le lecteur à réfléchir à sa manière à la vie quotidienne et à ses difficultés, à prendre son destin en main.
Halfon, Eduardo. - La pirouette. - QuaiVoltaire. - Traduit de l’espagnol (Guatemala). -171 p. - 17 €
Eduardo (qui a le même nom qu’Halfon) se souvient d’une rencontre avec un pianiste Milan Rakic à un festival de musique au Guatemala. Une amitié est née, et celui-ci lui envoie pendant des années des cartes postales. Or celui-ci ne met jamais d’adresse. Ces cartes postales, intrigantes, racontent la relation de Milan à son pays, la Serbie et surtout à ses origines. Par son père, un accordéoniste il est tsigane.
Un jour, Eduardo décide de partir sur la trace de Milan et de son père à Belgrade avec la seule photo de son ami. Il veut rencontrer des musiciens qui pourraient lui donner des informations. C’est un échec total. Dans cette quête entêtée, Eduardo découvre ce pays miné par le racisme et la guerre finie il y a peu. Il se plonge dans la ville, dans les troquets les plus louches. Il arrive à rentrer, fasciné par cette culture, en contact avec la communauté tsigane même s’il ne trouvera pas son ami.
Un très beau roman : le personnage d’Eduardo est fascinant, le mélange entre observation et ressenti personnel en fait un narrateur plein de nuance, d’intelligence et d’altruisme.C’est un livre sur la mondialisation, sur les contacts entre les cultures et également une très belle vision de la culture tsigane. En filigrane, on trouve toujours un rapport entre vie et musique dont l’auteur semble être très grand connaisseur.
Hancock, Penny. - Désordre. -Sonatine. - Traduit de l’anglais. - 281 p. - 20 €
Sonia, la quarantaine, vit seule dans la maison londonienne où elle a grandi, loin de son mari et de sa fille.
Quand elle rencontre Jef, 15 ans, le neveu de son amie Helen, elle décide de le séquestrer, fascinée par sa jeunesse.
Premier roman.Polar psychologique, dans la même veine que Avant d’aller dormir de S.J Watson.
« Un Miseryenduit de crème anglaise et hanté par un fleuve dont les remous font remonter à la surface des souvenirs longtemps enfouis dans les eaux troubles du passé. »Le Point, 28 mars 2013.
Haumant, Stéphane. - Le jugement dernier… : l’énigme du Codex Lucis. - J éditions. - 380 p. - 21 €
Des attentats ont lieu dans des grandes villes du monde avec des bombes d’un genre nouveau : bombe atomique miniaturisée, appelée « bombe du jugement dernier ».
Pourquoi ces attentats ne sont-ils pas revendiqués ? Qui se cache derrière ces actes ? Le FBI, la CIA et les grandes instances du monde se lancent dans l’enquête. En particulier, Balthazar, directeur adjoint du FBI et Donatien, journaliste français. Ils devront remonter jusqu’à des textes très anciens d’avant le Moyen-âge, puis jusqu’aux Cathares et les adeptes de ces théories se retrouvent encore aujourd’hui au sein même des gouvernements. On a ainsi l’explication de l’assassinat de Kennedy et de l’action du patron du FBI.
Diverses sectes et groupements terroristes sont évoqués, des éminents membres des gouvernements américain, japonais ou russe sont montrés du doigt, certains disparaissent ou meurent avant l’interrogatoire. Une théorie de suppression de l’humanité veut être appliquée par certains gouvernements.
Ce thriller de politique-fiction est difficile à lâcher,parfait pour la plage ! (En plus, répertoire des noms et fonction de tous les personnages).
Jenkins, Elizabeth. - Harriet. - J. Losfeld. - Traduit de l’anglais. - 276 p. - 24,50 €
L’auteur est l’essence même de la romancière anglaise, morte en 2010 à 104 ans. Elle a publié ce roman en 1934, d’après le drame sordide qu’a vécu Harriet, l’héroïne véritable de ce récit, en 1877.
Le récit du calvaire d’Harriet, jeune femme « simplette » épousée pour son argent et manipulée par un escroc, sa maîtresse, son frère et son épouse, est raconté de façon linéaire avec beaucoup de détails sur la mentalité de chacun, dans un style complètement suranné et une analyse sociale et psychologique assez simpliste.
Harriet, une fois mariée, a eu un enfant et a vécu avec lui, recluse à l’étage, très mal nourrie et pas soignée. Le bébé en est mort, et c’est ultimement quand les deux couples emmènent, enfin, Harriet consulter un médecin et qu’elle est morte, que son calvaire est mis au jour. Les deux couples ont été condamnés à mort, mais, en appel, la condamnation a été commuée en prison à vie. (L’appel a été créé à cette occasion en Grande-Bretagne.)
L’auteur analyse bien le moment où dans le comportement des protagonistes et, surtout, d’Elizabeth, la belle-sœur de l’escroc et la petite bonne, un basculement se produit vers la perversion. A partir de ce moment, il n’y a plus de réflexion personnelle, que des actes impératifs liés aux décisions des deux artisans de la séquestration, même si, au fond, les personnes n’étaient pas mauvaises. La compassion disparaît, on en arrive à la banalité du mal de la théorie d’Anna Harendt.
Avec cette lecture, le roman est intéressant, et c’est le premier récit romancé à partir d’un fait divers atroce. On constate, aussi, combien il était difficile alors de protéger les personnes psychologiquement fragiles.
Jullien, Michel. - Esquisse d’un pendu. -Verdier. - 184 p. - 16 €
Il s’agit, à l’aube de l’invention de l’imprimerie, d’un ouvrage sur le travail de copiste dans un Paris, où onze copistes sont assermentés et travaillent avec des libraires, des enlumineurs, des parcheminiers et des relieurs. Sur ce Paris, domine le grand gibet de Montfaucon dont parle Villon. Acôté du poste de supplices, il y a la machine à effroi, là où on laissait se décomposer les suppliciés.
C’est un roman-document sur la vie au MoyenAge. Il est très documenté pour tout ce qui touche à l’écriture, aux techniques, aux différentes façons de former les lettres, rempli de commentaires et considérations. C’est un livre passionnant à feuilleter et extrêmement savant sur toutes les œuvres de l’époque. C’est intéressant à l’heure du numérique de se plonger dans l’histoire de l’écriture et du livre. Mais, ce n’est pas facile d’accès.
Kraus, Otto B. &Coquio, Catherine. - Le mur de Lisa Pomnenka. - L’arachnéen. - Traduit de l’anglais. - 334 p. - 24 €
Roman et témoignage, ce livre transpose l’histoire de l’écrivain tchèque Otto B. Kraus qui dirigea, pendant six mois, un groupe d’enfants juifs, envoyés de Theresienstadt au camp des familles de Birkenau en décembre 1943. Le mur de Lisa Pomnenka porte sur les derniers mois du camp avant sa liquidation en juillet 1944. Mêlant personnages semi-fictifs et événements réels, le récit d’Otto B. Kraus raconte la survie au quotidien…
L’essai de Catherine Coquio place les événements du block des enfants dans la continuité de ceux de Theresienstadt, en insistant sur le rôle décisif qu’y jouèrent les mouvements de jeunesse sionistes de gauche : les éducateurs engagèrent les enfants dans des jeux, des pièces de théâtre, des chants, des concours de poésie, des exercices physiques.
L’auteur dégage du roman les ambiguïtés du mensonge protecteur, les angoisses des éducateurs devant la clairvoyance des enfants. Toute projection dans l’avenir devient impossible, on vit au présent.
Les deux textes se répondent sur le rapport des enfants et des adultes à la vérité, à l’espoir, à la mort. L’éducation peut-elle encore servir à quelque chose dans cet univers ? Qu’est-ce que l’identité ? La culture ? L’individu ? Le collectif ? Ouvrage intéressant mais inclassable. Documentaire ? Fiction ? Le seul bémol est de taille, celle des caractères, particulièrement minuscules, qui rend la lecture fatigante. A lire avec une loupe !
Laabi, Jocelyne. - Hérétiques. - La Différence. - 363 p. - 20 €
Le sujet de ce conte historique est surprenant : l’Irak et l’Arabie du IXau XIe siècles, et l’histoire d’un courant peu connu de l’Islam, à cette époque où Chiites et Sunnites se disputaient l’héritage de Mahommet. Je pensais lire quelque chose de très austère, mais, le style de conteuse avec rebondissements et allers et retours dans l’histoire en font un récit vivant et très intéressant.
Un courant issu de HamdamQarmat a réuni des esclaves noirs survivant de massacres des Omeyyades, des déshérités et des intellectuels. Il prônait la plus parfaite égalité entre les hommes et les femmes, pas de riches, pas de pauvres. Ce courant s’est développé dans l’Est de la péninsule arabique.
On suit les aventures de Walad, ancien esclave élevé par Aboulfat, adepte de Qarmat, Il est amoureux de Rabab, ex-prostituée qui n’aspire qu’à la liberté. On croise Warda, la guerrière qui prend les armes contre les Abbassides, dynastie succédant aux Omeyyades. La chronique est très vivante, ce n’est pas du tout un « cours » d’histoire, même si nous apprenons beaucoup !
Le style classique, mais léger de l’auteur, rend vivant les caravanes des bédouins, les marchés, la vie dans les palais et ses intrigues, les geôles et les supplices, la férocité des guerriers de tous les bords…
Mauméjean, Xavier. - American gothic. - Alma. - 407 p. - 22 €
Hollywood au temps du maccarthysme : les studios Warner ont bien du mal à rivaliser avec les studios Disney qui ont le vent en poupe. Jack L. Warner décide alors d’adapter au cinéma Ma mère l’Oie, un recueil de contes très populaire aux Etats-Unis d’un auteur quasi inconnu, Daryl Leyland. Il embauche Jack Sawyer chargé d’enquêter sur Leyland, afin de dépoussiérer sa biographie et de ne garder que les morceaux de vie avouables. Il s’agit de ne pas choquer les mentalités puritaines et bien-pensantes de l’époque et surtout s’assurer que l’auteur n’a aucune collusion avec le communisme.
Xavier Mauméjean, auteur de romans SF, nous livre ici un véritable roman gigogne, déroutant et fascinant. Témoignages, récits d’enquêtes, extraits de Ma Mère l’Oie, du rapport de Jack Sawyer, mais aussi analyses de François Parisot, le traducteur qui a compilé tous ces documents, se succèdent pour lever le voile sur la vie de Leyland. C’est tout un pan de l’histoire des Etats-Unis, de la littérature et du cinéma américain qui défile sous nos yeux.
Fiction ou réalité ? Au lecteur de faire la part des choses. Personnellement je n’y suis pas arrivée, mais cela n’a nui en rien au bonheur de lecture !
Maynard, Joyce. - Baby love. - P Rey. - Traduit de l’américain. - 301p. - 19 €
Etudiante à Yale, en 1971, Joyce Maynard propose au New York Times un article sur sa « génération ». A partir de là, elle est considérée comme une porte-parole des jeunes grandis dans les années 60, entre autres par Salinger (ils vivront une histoire d’amour). Elle commence alors à écrire des romans sur sa génération.
Baby love est le second de la série.
A la fin des années 70, dans une petite ville, quatre jeunes filles-mères se retrouvent près du Lavomatic. Wanda, dépassée par la maternité, brutalise inconsciemment sa fille Mélissa, et la confie souvent à sa mère, Sandy, devenue femme au foyer ; Tara, mère tendre et dévouée ; Jill, lycéenne, vient de tomber enceinte et cherche des moyens pour se faire avorter.
L’image déprimante des adolescentes déçues à cause de l’attitude des hommes égoïstes qui n’assument pas leurs actes, attachées à leurs idéaux de jeunes filles sans histoires, apprenant à vivre en observant les gestes des autres ;l’image lourde de l’Amérique, sans contraception, sans Pampers, découvrant la magie de la télévision.
La solitude des adolescentes, mais aussi celle d'autres femmes, comme Ann ou Carla m'ont beaucoup touchée. Le roman se lit vite et, malgré le côté "vieillot", on s'y reconnaît...
Narayan, RasipuramKrishnaswamy. - Le magicien de la finance. -Zulma. - Traduit de l’anglais (Inde). - 365 p. - 21,50 €
L’histoire se situe comme d’habitude dans la ville imaginaire de Malgudi, inventée par l’auteur. Margayya est un « magicien » installé sous un banian, qui fait crédit. Il cherche à inspirer confiance et assure de son honnêteté ses clients paysanspauvres.Il veut faire croire à tous avec arrogance qu'il est indispensable. Margayya invente un système de crédit révolutionnaire, et devient champion du microcrédit et escroc malgré lui.
Alors qu’il est respecté par tous, son fils est tyrannique, un vrai démon. Il se désole de ne pouvoir le mettre dans le droit chemin. En grandissant, Balu est fainéant, et ruinera son père. Ce fils, qui a été tellement gâté, ne sera jamais satisfait.La mère n’a aucun mot à dire.
Margayya est prêt à tout pour devenir riche et invoque Lakshmi, déesse de la prospérité. Il investit ses dernières roupies et fait fortune en éditant un manuscrit érotique. Avec l'argent gagné, il se lance dans un système bancaire terriblement attractif. La fortune devient un objectif de vie ; l'argent est fait pour être amassé et non pour être dépensé, il donne la puissance à l’homme et lui permet de tout contrôler, mais son fils va le faire courir à sa perte.
Magnifique roman, alerte, qui fait le portrait des petites gens et des anti-héros. C’est aussi une réflexion sur la relation parents-enfants. L'humour et la dérision sont toujours sous-jacents… Les caractères et les situations sont souvent caricaturaux et empreints de naïveté.
Oyeyemi, Helen. - Mister Fox. - Galaade. - Traduit de l’anglais. - 375 p. - 22 €
Mister Fox, un écrivain réputé dans le Manhattan des années 30, assassine les femmes à travers ses romans, à la façon de Barbe bleue. Un jour, une mystérieuse correspondante, intriguée par la thématique de ses récits et la misogynie omniprésente, le contacte et souhaite le rencontrer. Peu à peu, Mary Foxdevient la muse de l’écrivain, sa conscience et un symbole du bonheur suprême. Mister Fox, déchiré, n’arrive pas à faire le choix entre sa femme réelle Daphné, amoureuse de lui, et Mary, son rêve inaccessible. Il a besoin des deux. Ce sera à Mary de trancher…
Le roman est un mélange du récit réel et des histoires écrites par Mister Fox, malgré sa construction qui n’est pas très simple : des textes gigognes, des ambiguïtés.J’ai aimé me perdre dans les deux mondes.
Le sujet est typiquement social : la place de la femme dans la société, mais aussi dans le couple, auprès d’un homme égocentrique et macho.
Pahor, Boris. - Quand Ulysse revient à Trieste. - Pierre Guillaume de Roux. - Traduit du slovène. - 336 p. - 25,50 €
1943 : la monarchie italienne s’écroule, Mussolini est sauvé par Hitler. La république de Salo est fondée, et les Slovènes, déjà assimilés de force par les Italiens, se voient dans l’obligation d’intégrer l’armée nazie. Rudi, jeune patriote, décide de partir à Trieste pour fuir cette double oppression.
Arrivé à Trieste, il échappe de justesse à la rafle allemande en se réfugiant sur le haut plateau de Karst; lieu de la résistance slovène. Il rencontre Vida, influencée par la culture italienne. Elle incarne le peuple que Rudi veut sauver de l’oppression fasciste et nazie, pour qu’il retrouve sa dignité nationale.
Boris Pahor, bientôt 100 ans, résistant déporté, est le plus grand écrivain slovène encore vivant. Il le prouve par ce roman flamboyant, véritable hymne à la culture slovène. Son héros lui ressemble tant : fier de sa liberté et de la dignité de son peuple, maltraité par les totalitarismes. Rudi, tel Ulysse, revient au pays, s’interroge sur son destin. Les personnages que rencontre Rudi, sont particulièrement réussis, surtout les femmes, inoubliables et fortes comme le Karst.
Un roman beau, intelligent, passionnant, sur une région et une période historique mal connues, introduit par une préface intéressante d’Eugen Bavcar.
Ce roman a été édité sous deux couvertures différentes, pour s'adresser aux jeunes et aux adultes.
VERSION JEUNESSE
Palacio, R.J. - Wonder. - Pocket jeunesse. - Traduit de l’américain. 409 p. - 18 €
A 10 ans, August Pullman n’est jamais allé à l’école : il a subi de nombreuses opérations chirurgicales qui l’en ont empêché. August est né avec plusieurs maladies qui lui ont déformé le visage. Il a appris à vivre avec cette image, mais au-delà du cercle très restreint de sa famille et de quelques amis, il ne voit personne. Sa mère l’inscrit à l’école pour la rentrée. Il n’est pas vraiment sûr d’avoir envie d’y aller, mais il va essayer. Ce sera pour lui une année très importante :il rencontre de nouveaux copains, apprend à plaisanter de son visage, mais aussi s’accoutume à vivre sans la protection permanente de ses parents.
Le récit est écrit à plusieurs voix : August, sa sœur et ses nouveaux amis. Chacun parle de son point de vue de la vie d’August lors de cette première année scolaire. Ce livre décrit la difficulté d’être dans la peau de l’adolescent, mais aussi de la difficulté d’être son ami, de « s’habituer » à son visage et aux regards des autres.
L’auteur a écrit ce roman pour les enfants, c’est pourquoi elle n’a pas intégré de point de vue adulte dans son livre. Elle pense que cela aurait pu en changer le ton, il serait devenu plus cynique et plus noir. Mais elle souhaite faire passer également un message aux parents par le biais de ce roman, ce qui explique peut-être l’édition adulte chez Fleuve Noir. (voir site internet de l’auteur)
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VERSION ADULTE
Palacio, R.J. - Wonder. -Fleuve noir. - Traduit de l’américain. 409 p. - 18 €
Auggie Pullman entre en sixième. Il choisit d'être scolarisé pour la première fois et de montrer aux personnes qui ne le connaissent pas son visage déformé par une maladie génétique. Courageux et ouvert aux autres, il fait face aux regards des camarades et à l'intolérance des adultes. Il vit des moments intenses d'amitié et de désillusions.
Son entourage a besoin de temps pour s'habituer à lui, à ne pas le considérer comme un handicapé, à accepter la différence.
L'histoire d'Auggie est racontée à plusieurs voix, ce qui rend le récit plus dynamique. Le petit garçon surprend par sa simplicité et son humour omniprésents, malgré la violence des propos qu'il entend.
Le ton est juste et le sujet traité avec beaucoup de psychologie, va en crescendo.
Schréder, Ariane. -La silencieuse. -P.Rey. - 216 p. - 17 €
L’auteur vit à Paris. Normalienne et agrégée de Lettres modernes, La silencieuseest son premier roman.
Dès les premières pages, on est charmé par l’écriture délicate du livre. Pourtant, l’histoire est usée : une jeune femme voulant surmonter une déception amoureuse, quitte Paris pour la campagne. Clara passe ses journées seule dans une grande maison au bord de la Loire, se promène et sculpte. Elle est plus à l’aise avec la pierre qu’avec les mots. Elle sympathise avec différents voisins, comme la pharmacienne qui cherche le père de ses enfants ; ou Omar, le vieil Algérien introverti et taciturne, qui n’a pas surmonté la guerre.
La narratrice observe ses nouveaux amis, son chaton Plume, la nature qui évolue au fil des saisons. Elle cherche à trouver un nouvel équilibre. Clara rêve à son prochain amour, en croisant un vétérinaire ou un élagueur… Le temps de la lecture est comme une parenthèse, à l’image de ce séjour où la jeune femme veut se reconstruire.
L’auteur nous entraîne avec délicatesse dans l'univers silencieux de cette artiste exilée. D'une plume diaphane, Ariane Schréder distille aussi subtilement des réflexions sur l’art.
Cet émouvant premier roman dégage, malgré la souffrance, une certaine sérénité qui se communique au lecteur. Clara est contemplative plutôt qu'active, elle attend ce que lui réserve l’avenir. Ce roman est beau et apaisant. On attend le suivant.
Selimovic, Mesa (1910-1982). - L’île. - Phébus. -Traduit du serbo-croate. - 206 p. -19 €
Un couple âgé se réfugie sur une île, pour y passer le reste de leur vie. Le roman est constitué d’une suite de nouvelles qui traitent chacune d’un aspect de la vie de ce couple, s’harmonisant les unes avec les autres dans un style très épuré et, en même temps, très précis.
Ainsi, on apprend qu’ils ont des enfants sur le continent, des voisins dans l’île.
Au fil des anecdotes, toute une philosophie de la vie se dégage,ainsi que la recherche du questionnement existentiel de la vie. Des souvenirs, des faits divers, quelques déplacements, l’observation du quotidien, la nature et la nature humaine en font une sorte de livre de sagesse.
Il s’agit d’une première édition en France de cet ouvrage paru en 1983 à Belgrade. L’auteurest un grand classique en Serbie.
Story, Jack Trevor. -Mais qui a tué Harry ?. - Cambourakis. - Traduit de l’américain. 155 p. -9 €
Écrivain britannique, Jack Trevor Story (1917-1991) a publié de nombreux romans, policiers ou westerns. Mais qui a tué Harry ?est son livre le plus célèbre. Ce roman a été adapté par Alfred Hitchcock en 1955, avec Shirley MacLaine dans le rôle de Jennifer : un film atypique pour le maître du suspense puisque c'est le comique qui domine.
Dans un paisible petit village anglais, Abie, 4 ans, se promène seul dans les bois. Il découvre un homme allongé dans les fougères, mort.
Le capitaine Wiles fait à son tour l'expérience de la découverte macabre. Pour lui, c’est évident : il a malencontreusement tué un homme en visant un lapin ! Il entreprend de dissimuler le corps, mais les promeneurs se succèdent et le pauvre capitaine a bien du mal à cacher le meurtre.
Accident tragique ou homicide ? Toute l'attention est tournée vers ce corps gênant… Les suspects sont nombreux et les discussions vont bon train pour déterminer comment se débarrasser du cadavre…
Jennifer, la mère d’Abie, identifie Harry, et paraît satisfaite d’être débarrassée de son mari ! Le mort bouleverse la vie du village, mais il n’est jamais question d’alerter la police. Les habitants se débrouillent entre eux pour l’enterrer, sans vraiment se demander ce qui s’est passé. Les réactions et les conversations sont en total décalage avec l'événement.
Bien qu’il y ait un meurtre, ce livre n'est pas un polar mais une comédie à l'anglaise drôle, bucolique, légère et pleine de fantaisie. C’est une comédie rocambolesque, qui ne laisse pas de surprendre, avec des personnages hauts en couleur et où les situations absurdes se succèdent avec une telle énergie, que l'on se retrouve emporté par ce tourbillon. Quiproquos, dialogues caustiques, gags s'enchaînent rapidement, l'intrigue se déroulant en une journée. Perle d'humour pince-sans-rire, délicieusement suranné. Une lecture divertissante qui devrait séduire et divertir le plus grand nombre. Pour bien commencer les vacances !
Teodorovici, Lucian Dan. - L'histoire de Bruno Matei. - Gaïa. - Traduit du roumain. - 440 p. - 22 €
Dans la Roumanie d'après-guerre, Bruno Matei est marionnettiste. Il emmène partout avec lui sa fidèle marionnette Vasilacke. Mais Bruno est aussi un homme qui ne se souvient plus d'une partie de sa vie. Un départ pour l'Italie, un premier travail de marionnettiste dans un théâtre, son père avant la guerre, un agent de la Sécuritate...constituent les seuls éléments encore vivaces de sa mémoire.
L'auteur alterne deux récits -passé, présent- pour nous faire saisir peu à peu la véritable histoire de Bruno Matei. Dans le passé, il est appelé « le brun », et vit des moments de tortures dans un camp de travaux forcés. Au présent, il est Bruno Matei, marionnettiste, suivi par un agent de la Sécuritate qui affirme être son ami.
Les mots sont difficiles, les événements lourds et oppressants. Lucian Dan Teodorovici dépeint une Roumanie pesante, surveillant les gestes et contrôlant les pensées de chacun.
Vasilacke, le pantin de Bruno Matei, est une belle image poétique symbolisant à la fois la manipulation gouvernementale, l'oppression, mais permet aussi une mise en perspective de la vie de Bruno Matei.
Une réussite, un livre puissant et douloureux.
Uebel, Tina. - La vérité sur Frankie. - Ombres noires. -Traduit de l’allemand. -376 p. - 19€
Christoph, Judith et Emma, trois étudiants allemands pleins d’avenir croisent la route de Frankie, de dix ans leur aîné. Séduits par ce personnage, ils sympathisent et passent tous ensemble un été de rêve. Une nuit, Frankie fait une confidence à Christoph : il appartient aux services de l’anti-terrorisme, il est poursuivi, il a besoin d’aide. Christoph accepte une première mission. Puis, Judith et Emma se laissent convaincre à leur tour. Bientôt, Frankie leur confie qu’ils sont désormais menacés. Seule solution : s’en remettre à lui…
Comment trois jeunes gens, sains d’esprit et intelligents, peuvent-ils se laisser entraîner dans une machination aussi délirante? Le roman, construit comme une alternance d’interviews filmées (il s’agit en fait de monologues successifs des trois victimes) met à jour la redoutable progression du piège qui s’est peu à peu refermé sur les trois étudiants.
Un livre passionnant, inspiré d’un fait divers, et qui décortique une implacable manipulation mentale.
Venezia, Mariolina. - Mort en Basilicate. - Nil, Détectives - Traduit de l’italien. - 316 p. - 20€
Un jeune homme est trouvé égorgé en Basilicate, qui se situe dans la région des Pouilles en Italie. L’enquête démarre, diligentée par Immacolata, substitut du procureur. Plus que les nombreux rebondissements de l’enquête et du réveil d’autres affaires non élucidées, c’est la personnalité d’Immacolata et les rebondissements de son existence personnelle qui donnent de la vie et de la saveur à ce polar !
C’est un petit bout de femme, qui se proclame sans imagination, donc qui veut des faits, rien que des faits. C’est une sorte de Don Quichotte en jupons (c’est le printemps, il faut renouveler sa garde-robe), sa fille lui pourrit la vie, bien sûr, sa mère qui a besoin de gardes qui se succèdent… Elle veut prendre sa collègue sur le fait de falsifier ses heures de travail. Elle est flanquée d’un caporal-chef trop bel homme. On découvre toute une mafia et un réseau de recyclage sauvage de déchets dangereux. Dans cette campagne profonde et loin de tout, bien que reliée au monde entier par l’enfouissement des déchets toxiques, il y a un côté tragédie grecque avec les drames familiaux qui apparaissent au grand jour.
L’écriture est alerte, on passe un bon moment.