Petits éditeurs BiB92 – Sélection mai 2013
Retrouvez la sélection de la commission petits éditeurs BiB92
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Adriansen, Sophie. - Quand nous serons frère et sœur. - Myriapode. - 215 p. - 18 €
Louisa vit à Paris, assistante de marketing, métisse. Sa mère est morte, il y a peu ;Louisa ne connaît pas son père. En ce mois d’avril, elle reçoit un courrier d’un notaire à Lyon, oùelle rencontre son frère, dont elle ne connaissait pas l’existence,et lui annonce le montant de son héritage «à plusieurs zéros ». Cet héritage est soumis à une condition : vivre avec son frère pendant un mois. Tous deux décident qu’elle s’installerait chez lui, en rase campagne. Après des débuts forcément difficiles, la relation s’installe, les rencontres se font, la vie s’éclaire d’un jour nouveau.
Roman agréable, histoire originale, protagonistes sympathiques, vision de la campagne réaliste. Bref, malgré quelques longueurs, ce roman se lit d’une traite.
Appachana, Anjana. - L’année des secrets. - Zulma. -Traduit de l’anglais (Inde). - 591 p.- 15 €
Cinq femmes partagent le même secret et le dévoilent par petites bribes, chacune à son tour. Ce secret, concernant l’une d’elles, les bouleverse et leur rappelle leurs propres histoires respectives.
Ce roman, écrit en chapitres, est avant tout social. Il montre la société indienne dépendant des castes et se concentre sur la place de la femme qui, malgré son droit à l’éducation et ses diplômes, reste toujours soumise à l’homme, car son rôle principal est de se marier, de s’occuper de ses enfants et de devenir l’esclave de sa belle-famille.
On retrouve dans ce roman l’esprit des nouvelles Mes seuls dieux, le pays est analysé sous l’angle féminin, par des femmes. Les hommes paraissent possessifs, durs, hypocrites et égoïstes.
J’ai adoré le ton languissant du roman. On sent à fond l’ambiance indienne, les saveurs, les parfums.
Beyrouk. - Le griot de l’émir. - Elyzad. - 166 p. -17 €
Un griot du désert, gardien des traditions de sa tribu dispersée, vit dans le souvenir de son amie Khadija. Descendante d’un sultan, celle-ci a été poussée au suicide par l’émir souverain qui lui a fait miroiter son amour. Le griot -qui est le narrateur de ce roman- révolté par cette injustice, s’exile à Tombouctou, la cité des savoirs et des marabouts. Dans cette ville, il trouve -en plus de l’excellent accueil qui lui est réservé- l’amour auprès de la belle Fatma. Mais l’appel du désert est trop fort, et lorsque son ami Mehmed frappe à sa porte et lui propose de participer à une révolte contre l’émir, il ne peut résister.
Ce beau roman, très poétique à l’image des paysages du désert, est un hommage à la culture et aux traditions orales des peuples du Sahara. Au fil des pages, le lecteur part à la rencontre de populations et de personnages aux destins fascinants et parfois tragiques. Un vrai bonheur de lecture.
Boussel, Pierre. -Les confessions de l’ombre. - Kero. -302 p. - 20 €
Officiellement, le narrateur est économiste. En réalité, c’est plutôt un agent dormant des services secrets français en poste au Maroc. Il nous fait découvrir son quotidien, l’attente d’un éventuel « réveil », les relations avec les services étrangers, ce jeu de cache-cache permanent, bien des aventures à la 007….
Intéressant et original. Mais il faut oublier tous les clichés sur James Bond, car la vie des agents est plus « ordinaire » que ce que vit 007 !
Journaliste à Radio Méditerranée, spécialiste de politique étrangère, l’auteur maîtrise son sujet. Ce volume est le 1er annoncé « d’une série hyperréaliste consacrée aux services secrets français ». On apprend beaucoup sur les relations officieuses et officielles entre services secrets, sur l’emploi des informateurs, sur les manipulations ; sans être aussi palpitant que les John Le Carré…
Brunet, Gaël. - La battue. - Le Rouergue, La brune. -216 p. - 19 €
Né en 1975, Gaël Brunet vit en Bretagne. Il a écrit des nouvelles et un premier roman.
Un homme revient au chalet de ses parents dans les Alpes, et leur présente Anouk, sa compagne. Le père doit organiser une battue pour chasser le loup égorgeur de chèvres. Le fils se remémore quelques moments heureux de son enfance, retrouve sa chèvre Caramel, les voisins et connaissances, le petit village au pied du mont Blanc. Ils font partie des « gens de la montagne » ; les échanges sont rares et empreints de gêne et d’incompréhension. Deux mentalités se font face entre les parents et leur fils vivant. Marc, son frère aîné décédé, le sportif préféré promis à un brillant avenir, n’est qu’évoqué.
Anouk ne supporte pas l’ambiance qui règne, ne comprend pas les relations père/fils. Tout le monde est mal à l’aise et reste dans les non-dits, jusqu’à ce qu’Anouk exige que son compagnon parle et se libère de ce poids.
Le livre avance par courts chapitres, de façon impressionniste. Le lecteur découvre peu à peu, en même temps que la jeune femme, les secrets de cette famille : la rivalité entre les deux frères, l’adolescence, la mère effacée, le père qui regrette qu’Olivier ne reprenne pas l’exploitation, le drame et le départ du narrateur. Olivier s’apprête à faire sa propre battue pour tuer le passé et affronter enfin son père.
Un roman psychologique prenant et sensible, qui finit comme un coup de poing.
Cleave, Paul. - Nécrologie. -Sonatine. - Traduit de l’anglais (Nouvelle Zélande). - 415 p. - 20 €
Théodore Tat, le narrateur, a quitté la police à la suite d’un accident de voiture, qui a coûté la vie à sa fille et la raison à sa femme. Devenu privé et profondément détruit (souvent imbibé), il est chargé d’une banale exhumation dans un cimetière de Christchurch, quand les événements tournent à l’horreur : un glissement de terrain fait sortir du lac, au milieu du cimetière, trois cadavres. A l’ouverture de la bière, c’est une jeune fille que l’on trouve, et non le cadavre du banquier attendu ! En ville, la police est sur les dents à cause du « boucher », assassin en série.
Ce roman, très noir, est une réflexion sur l’horreur et la mort, et nous prend aux tripes. On partage sa détresse et ses secrets, également ses nausées.L’intérêt du livre tient aussi à la réflexion du narrateur sur le sens de la vie, le destin et la cohérence.
Ce policier atypique n’est pas facile à lire, une intrigue complexe et très noire avec une réflexion philosophique.
Cook, Kenneth. -Le trésor de la baie des orques. - Autrement. - Traduit de l’anglais (Australie). - 323 p. - 21 €
Conteur fabuleux,Kenneth Cook(1929-1987) est un des meilleurs écrivains australiens du XXe siècle. Il a alterné romans noirs, nouvelles hilaranteset grands romans d'aventures, tel Le trésor de la baie des orques.
Roman inspiré de faits réels.
A la mort de son père à Sydney, Jonathan Church débute comme rameur sur un baleinier. En effet, dans le port de ThreeFoldBay, on chasse la baleine, et la ville pue. Outre que le combat est sportif, les hommes doivent aussi affronter les requins. Par une sorte de pacte, les orques aident les hommes à attraper les baleines, et les pêcheurs refusent de tuer leur allié.
Jonathan tombe amoureux d’une Japonaise, Yoko, et se met en ménage avec elle, devenue orpheline à la suite du naufrage du bateau qui l’a amenée en Australie.
Cassidy, quant à lui, propose à Jonathan 2000 livres, s’il accepte de plonger sur une épave contenant un trésor. Il apprend donc à utiliser un scaphandre, et part à la recherche d’une fabuleuse perle appartenant à Yoko, qui suscite bien des convoitises… Qui l’emportera et deviendra richissime ?
Un bon roman d’aventures qui montre la dureté de la pêche à la baleine.
Couto, Mia. - Poisons de Dieu, remèdes dudiable. - Métailié, Bibliothèque portugaise). - Traduit du portugais (Mozambique). -169 p. - 17 €
L’auteur, très déçu par l’évolution de son pays natal, nous livre un conte morbide sur sa situation. Sidonio, le héros du récit est médecin, et doit soigner une épidémie de méningite. Il se rend tous les jours au chevet d’un ignoble vieillard, Barthloméo, autrefois marin, soigné par sa femme, une mulâtresse, Dona Munda, ridée jusqu’au fond de l’âme. En réalité, son insistance s’explique par sa recherche de Deolinda, son grand amour, rencontrée à Lisbonne et qui serait leur fille.
L’épidémie est en fait la métaphore de la situation du pays, asphyxié par sa situation économique et morale,la maison pourrie du couple en étant un microcosme.
Progressivement, on entre dans le vif de la recherche du médecin, et l’on soulève le voile sur d’affreux secrets de famille.
L’écriture, très bien traduite, donne une image du sabir du pays. L’ambiance est moite et poisseuse, dans ce pays où les rêves eux-mêmes sont aussi terribles que la vie. On est soulagé en fermant le livre.
Eddie, Christine. - Parapluies. - H. d'Ormesson. - 169 p. - 16 €
Née en France en 1954, Christine Eddie vit au Québec. Journaliste et romancière, elle a publié des nouvelles et un livre jeunesse avant Les carnets de Douglas, son premier roman, qui a remporté plusieurs prix.
POUR :
Matteo est parti sans prévenir Béatrice, sa femme, la quarantaine, solitaire. Elle l’attend, espère son retour en révisant des documents techniques. Elle reste seule face à sa belle-mère italienne. Béatrice s’interroge : son mari la trompe-t-il ? Est-ce avec une de ses étudiantes, Daphnée par exemple ?
La jeune femme, Daphnée Sanschagrin, deuxième personnage à entrer en scène, a eu une adolescence difficile à cause de son surpoids, et rêve d’amour.
Catherine est mère célibataire de Thalie, petite fille qui aimerait connaître son père. Matteo semble amoureux de sa mère...
Ainsi Matteo sert de fil conducteur aux récits de ces femmes, solitaires et mystérieuses. Le départ du professeur les fait se croiser de façon inattendue. La plume de l’auteur est légère et fine comme l’illustration de couverture.
CONTRE :
Matteo quitte Béatricele jour de ses 40 ans, après 13 ans de vie commune et une fête agréable. Nul ne sait où il est, pourquoi il est parti.Reste une culotte rose en dentelle trouvée sous le lit. Et voilà notre héroïne chargée de sa « belle-mère » italienne et malade, de Aichai qui fait la une des journaux puisque lapidée à 13 ans, etc…
J’ai un principe (que je n’applique pas systématiquement, la preuve !) : celui de ne pas lire deux livres du même auteur ! Et là franchement, j’aurais eu tout à y gagner à l’appliquer ! Après Les carnets de Douglas magnifique livre tant du point de vue de l’histoire que du style, ce second roman est totalement raté ! Écriture sans intérêt, imbroglio sans nom, mélange ridicule.Bref, lisez et relisez comme un petit bijou Les carnets de Douglas, et fuyez ce roman décevant et inintéressant au possible !
Ervas, Fulvio. - N'aie pas peur si je t'enlace. - L Lévi. - Traduit de l'italien. - 268 p. - 19 €
Andrea, jeune autiste, vient de fêter ses 18 ans. À cette occasion, son père Franco Antonello décide de traverser les États-Unis avec lui. Le pari est risqué, car Andrea peut être imprévisible : il lui arrive de répéter des mots en continu, de ranger des objets méticuleusement, de partir précipitamment, de toucher le ventre des gens qu'il rencontre pour savoir qui ils sont !...
Franco le sait, mais il veut offrir à son fils un voyage extraordinaire et l'opportunité de voir le monde. Ce voyage prend forme, et Franco découvre Andrea parlant avec les chamans, embrassant les filles, veillant sur lui lorsqu'il est malade... Les deux hommes réussissent à communiquer grâce à l'écriture accompagnée d'un clavier d'ordinateur. Andrea dit ses peurs, ses doutes, ses agacements, ses angoisses de décevoir son père, ses joies aussi.
Peu à peu, Franco va se laisser aller aux surprises que peut lui réserver son fils. Le lecteur est touché par l'amour infini de ce père pour ce gamin attachant et lucide.Dans ce très beau road-movie, on est fasciné par les contrées que le père et le fils découvrent, et aussi par la perception que d'autres peuples ont de l'autisme et de la différence.
Le roman de Fulvio Ervas est réussi et bouleversant, et rappelle la lettre émouvante du père pour son fils autiste dans Cher Gabriel de Halfdan W. Freihow.
Falcone, Mario. - L’aube noire. - La Table ronde. - Traduit de l’italien. - 415 p. -22€
Quelques mois avant le 28 décembre 1908, date à laquelle la ville de Messine fut rayée de la carte par un terrible tremblement de terre, une jeune fille est sauvagement assassinée alors que la fête de l’Assomption bat son plein. C’est une employée du baron Torielli, un homme fortuné connu de tous, mais qui cache une face sombre. En effet, malheureux en ménage, il joue et perd beaucoup d’argent, accumulant les dettes et les frustrations. L’enquête, confiée au lieutenant de carabiniers Marco Sestili, s’avère délicate et périlleuse. Peut-on admettre que le baron soit mêlé à cette affaire? Pourquoi demande-t-il la protection de ses amis magistrats ? Sestili résistera-t-il aux pressions de sa hiérarchie, alors que d’autres meurtres sont commis ?
Ce roman est bien davantage qu’un énième polar historique. Il rend compte aussi de l’ambiance et de la sociologie d’une ville sicilienne du début du XXe siècle, avec sa ferveur religieuse, sa forte tradition familiale, ses différentes castes et ses personnages colorés. Il n’en reste pas moins que l’intrigue est bien ficelée, et que le lecteur est emmené tambour battant et sans temps mort vers la tragédie finale.
Fenech, Georges / Malafaye, Alexandre. - Propagande noire. - Kero. - 363 p. - 20 €
Georges Fenech magistrat et député, spécialiste des sectes, connaît bien le système judiciaire.
A Lyon, FrançisVéry se suicide devant sa femme, en accusant la secte des survivalistes de ses malheurs. Le juge d’instruction Renan Le Goff enquête sur la mort de cet homme poussé à bout.
Deux étudiantes rencontrent un membre de la secte, qui semble attirer Blandine. Le lendemain, celle-ci disparaît (on la retrouvera bien sûr sous l’emprise du gourou) ; Gaëlle demande de l’aide à son père qui fait tout de suite le lien entre les deux affaires.
L’incorruptible Renan Le Goff se lance dans une enquête à hauts risques concernant cette secte qui semble intouchable, même au plus haut niveau politique. Un membre du gouvernement et spécialiste du sujet le prévient de la dangerosité ; le commissaire divisionnaire voudrait étouffer l’affaire. Parviendra-t-il au bout de sa tâche face aux résistances des deux camps opposés, mais unis contre lui ?
Le charismatique Blake sait comment captiver de nouveaux adeptes et se rendre sympathique par ses bonnes œuvres. Ses membres sont partagés entre la soumission et la peur, mais Karim décide de sauver Blandine. La propagande noire désigne la méthode de l’Eglise survivaliste pour se débarrasser de ses adversaires…
Un premier thriller politico-judiciaire bien documenté, mettant en scène, pour changer, un juge d’instruction. L’action nous réserve des rebondissements et des coups tordus. Un roman passionnant qui fait froid dans le dos par son réalisme. En plus, de très bonnes citations en exergue de chaque chapitre !
Coup de cœur de la Fnac.
Gilberh, Eric. - Grain de sel. - Moteur. - 158 p. - 15 €
Né en 1978. EricGilberh a publié dans plusieurs revues, et partage son temps entre l'écriture et la musique.
Le lecteur est happé dès le premier paragraphe : le narrateur, un journaliste trentenaire, futur père, découvre avec horreur la présence de « La Bête » : une longue fuite serpentant au-dessus de son imprimante ! C’est le début d’une succession d’ennuis, qui s’enchaînent sans discontinuer. D’après Internet, il faut « diagnostiquer », puis « traiter ». Mais comment ? Gabriel Poussin n’a pas l’âme d’un bricoleur. Chloé craint le pire s’il s’en occupe, mais exige une réparation avant l’accouchement. Gabriel préfère ne pas dépenser trop d’argent, et il ne veut pas appeler son père, redoutant l’envahissement de ses parents dans la maison nichée au fond de la Seine et Marne.
C'est avec beaucoup de plaisir que l'on suit les aventures rocambolesques de Gabriel Poussin. Il est également aux prises avec une prochaine paternité qu'il a du mal à assumer, et avec des animaux de cirque en pension dans son jardin. Des situations et des personnages aussi drôles qu'émouvants. Humour garanti, à conseiller comme anti-dépresseur.
Goujon, Michel. - La désobéissance d’Andreas Kuppler. - H. d'Ormesson. - 205 p. - 18 €
Pour les JO de1936, Andreas Kuppler, journaliste sportif réputé, est envoyé à Garmisch-Partenkirchen. L’organisation des JO est parfaite, à part les pancartes « Interdit aux chiens et aux Juifs ».
Bien qu’Allemand de souche, Andreas redoute l’influence du parti nazi ; il a une carte au parti national-socialiste sans avoir leurs idées. Ce parfait aryen se sent concerné par ce qui se passe et se pose beaucoup de questions : s’il fait le salut hitlérien, c’est qu’il est devenu nazi sans s’en apercevoir ? "Était-il possible de n'être "qu'un peu" nazi, de l'être de façon acceptable ? Y avait-il une gradation ?" Peut-il s’insurger contre les mesures les plus injustes sans se mettre en danger ?
Andreas aime le jazz, musique « nègre dégénérée », symbole de son refus du nazisme. Pour avoir dansé avec une journaliste américaine -mais juive-, il apprend qu’il est surveillé. Il doit montrer qu’il soutient le pouvoir.
Il est tourmenté aussi par son mariage avec Magdalena, qui a un caractère instable et dépressif à cause de sa stérilité. La jeune femme regrette l’échec de son mariage. Elle admire le Führer (qui prône la maternité) et lui est reconnaissante d’avoir redressé le pays et ne voit pas le mal poindre.
Comment le jeune couple, passablement fragilisé par l’infertilité de leur union, pourra-t-il gérer cette situation ? Pour l’auteur, la désobéissance est la seule voie de résistance face à la terreur : « le premier compromis vaut compromission », il a « la conviction que la désobéissance peut être le fait d'individus ordinaires, n'ayant pas a priori l'étoffe des héros, pour autant qu'ils soient pétris de certaines valeurs, (…) et qu'ils soient, à un moment donné, capables d'un courage qui à la fois les transcende et les révèle. »
L’intrigue s'articule donc entre les tourments d'un couple au bord de l'implosion et ceux de l'Histoire, coincée entre propagande et terreur. Un roman qui marque les esprits, plus psychologique qu’historique, sous-titré sur la couverture : « Qui ne dit mot consent »…
Hargla, Indrek. - L’énigme de Saint-Olav. - Gaïa. - Traduit de l’estonien. - 22 €
IndrekHargla est né à Tallinn en 1970. Il est l’auteur de policiers historiques et de romans de SF. Son œuvre a reçu plusieurs prix.
Roman policier historique, qui nous plonge dans le quotidien de la cité estonienne de Tallinn en 1409.
Le chevalier Henning vonClingenstain, surnommé le « boucher de Gotland », est découvert décapité, avec une vieille pièce de monnaie dans la bouche. Le meurtrier s’est enfui dans la ville basse, avant la fermeture des portes de la cité, en jetant son épée.
Qui pouvait détester cet homme à ce point ? Comment l’assassin n’a-t-il pas été vu ? Comment a-t-il pénétré dans l’enceinte dont l’entrée est gardée ? Le bailli aimerait que ce crime soit le fait d’un étranger mais il est plus probable que cela soit un notable, un membre de la confrérie de l’Ordre des Têtes-Noires ou lié avec le monastère…
Melchior, apothicaire, tient une boutique qui est un haut lieu de commérages. Il aide donc le bailli de la ville à enquêter pour retrouver le meurtrier du responsable de l’Ordre des chevaliers teutoniques.
L’orfèvre a vendu à la victime une chaîne en or la veille de sa mort. Killian, jeune maître chanteur qui berce les habitants de sa musique, aurait-t-il été le témoin d’un détail ?
Ce roman, qui inaugure une série historique au XVe siècle, est réussi ; l'intrigue est plutôt bien construite.
Hervé, Brigitte. - Celtic on-line. - Les nouveaux auteurs. - 480 p. - 20 €
Marc, trentenaire, d’origine bretonne, et informaticien s’ennuie dans sa vie à Paris. Marie, étudiante en histoire à New York, aimerait poursuivre ses études en Europe. Elle espère que son mémoire sur les Celtes intéressera une université. Neil, un quinquagénaire irlandais, vit seul avec son chat dans son cottage depuis la mort de sa femme et le départ de son fils Sean, ingénieur informaticien à New York. Lors d’un retour de Sean sur sa terre natale, il installe à son père un ordinateur avec un modem, afin qu’ils puissent correspondre tous les deux électroniquement. Il est alors loin de s’imaginer que ce simple modem va bouleverser leurs vies à tous…
Un roman plaisant, positif, qui met du baume au cœur, même si l’on se doute des rapprochements amoureux qui s’effectueront à la fin du livre.
Un roman à conseiller pour les fans d’histoire des Celtes, car c’est un véritable bain culturel celtique qui nous transporte en lisant les pages de Marie l’étudiante en histoire.
Un roman parfait exemple de l’effet papillon : comment notre vie peut changer avec un peu de chance et beaucoup d’énergie.
Ce premier roman a reçu le prix Yan Queffélec qui récompense un premier roman. Il a été choisi par l’écrivain en personne parmi les dix finalistes du concours sur les 450 épreuves reçues.
Hughes, Dorothy B. -Le violent. -J éditions, La bibliothèque policière. -Traduit de l’américain. - 249 p. -14 €
Difficile pour un vétéran de l’armée de l’air américaine de se recaser dans le civil… Dick traîne son vague-à-l ’âme jusqu’à L.A. où l’attend Brub, ancien frère d’armes devenu inspecteur… Oisif, Dick prétend écrire et reluque les poupées locales… Aussi, lorsqu’un tueur s’en prend aux belles, Dick propose d’aider à l’enquête.
Attention, chef d’œuvre ! Publié en 1948, ce livre à la 1ère personne a aussitôt intéressé Hollywood. Pas n’importe qui : Nicholas Ray à la caméra, Humphrey Bogart dans le rôle de Dick, et Gloria Grahame dans celui de la vamp et ce, deux ans après la sortie du livre !
Le héros narrateur est un anti-héros sans repères, mais en phase avec son temps. Rejeté dans le quotidien banal après les années de guerre, la réinsertion en est que plus difficile dans cet univers où l’on prétend que tout va bien, alors que la société américaine ne se porte moralement pas au mieux. La guerre froide, le maccarthysme vont balayer les belles idées démocratiques et pacifistes issues de la guerre…
Les codes sociaux ont explosé, mais on s’y accroche coûte que coûte. Pas de place pour des Dick borderlines, abîmés par la violence et par la mort des champs de batailles, sinon dans la violence !
Un chef-d’œuvre, vous dis-je, car l’auteur a perçu avec intensité cette fracture. Elle analyse au microscope l’âme humaine et la descente aux enfers d’un vétéran. Fine psychologie et audace d’une intrigue échevelée !
Hughes, Yves. - Eclats de voix. - Les Escales, Les escales noires. - 343 p. -21 €
Né en 1960, après une enfance à Annecy il fait ses études à Genève. Yves Hugues devient lecteur pour des maisons d’édition, scénariste pour la télévision. Il réalise des sketches, écrit de nombreuses fictions radiophoniques et anime des ateliers d’écriture. Yves Hughes a également signé une trentaine de romans pour la jeunesse. Il partage sa vie entre Paris et Annecy.
Rosalie vient de finir son émission nocturne, alors qu’un tueur pénètre dans la Maison de la Radio, construite comme un camembert, pour l’étrangler. Qui a pu la tuer ? Un auditeur frustré, un amant éconduit ?
Yann Gray, flic au Quai des orfèvres, est chargé du meurtre de Rosalie Douvet. Il suit de nombreuses pistes qui n’aboutissent pas, et travaille principalement seul. Il écoute l’émission « Rosalie de nuit » où des auditeurs parlent de leur vie. Il s’attache au jeune Vasco qu’il soupçonne. L’adolescent l’énerve et l’attire à la fois, c’est le fils qu’il n’a pas. Cette amitié paraît peu crédible, car le policier ne doit pas passer son temps avec un suspect.
Pendant son temps libre, Gray est obsédé par la taille des plantes et l’arrosage de son jardin.
Une réflexion intéressante sur les particularités de la voix, les impressions que l’on peut avoir sur une personne à partir de la voix.
Un roman policier agréable mais au rythme plutôt lent.
Josse, Gaëlle. - Noces de neige. - Autrement. - 157 p. - 14 €
A deux siècles d’intervalle, il y a une jeune aristocrate russe, en lutte avec ses démons intérieurs, tourmentée par sa laideur et sa place dans sa famille, qui retourne à Saint-Pétersbourg avec les siens après avoir passé l’hiver à Nice.
Il y a Irina, une jeune moscovite qui aspire à une vie meilleure et qui s’en va rejoindre un Français rencontré par Internet.
Deux destins, deux jeunes femmes qui se trouvent à un carrefour de leur existence. Ce voyage à bord du Riviera-express décidera de manière irréversible de leur existence future. Un avenir rêvé, mais peut-être impossible…
Laissez-vous emporter par l’écriture poétique et concise de Gaëlle Josse.Un roman envoûtant dans le huis clos du Riviera-express et dans les méandres de l’âme humaine.
Kay, Jackie. - Poussière rouge. -Métailié. - 257 p. - Traduit de l’anglais. - 19 €
Jackie Kay est métisse : elle a été adoptée par un couple de Glasgow, tout comme son frère. Elle connaît ses origines, mais ne rencontre son « géniteur » qu’à l’âge adulte. Son père, botaniste reconnu, devenu pasteur, refuse d’intégrer sa première fille à sa nouvelle famille. Pour lui, elle représente la faute, une erreur de jeunesse. Jackie ignorera longtemps qui sont ses frères et sœurs, même si elle s’est rendue au Nigeria exprès pour faire connaissance.
Auparavant, la jeune femme a rencontré sa vraie mère, l’infirmière écossaise qui l’a abandonnée à sa naissance. Elles n’auront jamais de relations suivies.
L’auteur évoque tous les aspects de l’adoption : le point de vue de l’enfant, des parents génétiques et des adoptants. L’enfant a aussi dû faire face au racisme. Son récit, qui se lit comme un roman, est sincère et attachant. La jeune femme veut savoir d’où elle vient pour se former une personnalité, tout en gardant son amour intact pour ses parents adoptifs.
Lefranc, Alban. - Le ring invisible. - Verticales. - 169 p. - 18 €
Comment Cassius Clay junior est devenu le grand Mohamed Ali, l’un des boxeurs les plus incroyables de tous les temps ?
L’auteur retrace la vie du jeune garçon, de son enfance difficile dans la lutte perpétuelle de la reconnaissance du peuple noir à son ascension fulgurante dans le milieu de la boxe. Plus qu’un homme, Ali est élevé à travers ce livre au rang de symbole du combat incessant mené contre l’«Amérique blanche».
Un livre riche et puissant dont l’écriture aux résonnances poétiques, nous livre une histoire incroyable, celle d’un homme qui a marqué l’histoire de son sport mais aussi l’histoire de son pays.
Il devrait plaire bien au-delà du cercle des amateurs de boxe.
Lesbre, Michèle. - Écoute la pluie. - S. Wespieser éditeur. - 100 p. -14 €
La narratrice, une jeune femme, attend son métro sur le quai. Elle s'apprête à rejoindre son amant à l'hôtel des Embruns au bord de la mer. Tandis que le train arrive, un vieillard se jette sous la rame, non sans lui avoir adressé un dernier regard et un dernier sourire… Choquée, traumatisée, la narratrice s'enfuit de la station. Commence alors pour elle une longue nuit d'errance sous la pluie parisienne.
Au gré d’une déambulation méditative, elle s'adresse à son amant photographe, sous forme de monologue. Elle lui rappelle des épisodes de leur vie commune, puis intermittente : des conversations, des lieux aimés, des malentendus, leurs voyages harmonieux et leurs retours discordants, puis la distance qui s’est peu à peu creusée entre eux. Tel un tableau impressionniste, petite touche par petite touche, c’est une magnifique déclaration d’amour qui apparaît sous nos yeux.
Avec tendresse et nostalgie, la narratrice invoque également le souvenir d'un grand-père solitaire duquel elle a hérité le goût du silence et de la contemplation de la nature ; puis celui de son père, emporté par la maladie, et dont elle se reproche son absence auprès de lui. Les regrets se mêlent au souvenir du suicidé. Qui était-il ? Pourquoi lui a-t-il souri ?
D'une plume fluide, tendre et poétique, Michèle Lesbre écrit une ode à la vie, à sa fragilité et ses mystères, tout cela en à peine une centaine de pages.
Un très beau texte, très juste, émouvant.
Lesbre, Michèle. - Victor Dojlida, une vie dans l’ombre. - S. Wespieser. - 108 p. - 14 €
Victor Dojlida est né en Biélorussie en 1926, et sa famille fait partie des immigrés de la sidérurgie lorraine. A la guerre, Victor s’engage dans les FTP-MOI (Main d’œuvre immigrée), son réseau est dénoncé et c’est la déportation « nuit et brouillard ».
A son retour, il trouve les dénonciateurs bien « en place », il explose, veut la vengeance et est emprisonné 40 ans pour ses actions. Grâce à son avocat, il échappe à la peine de mort.
Michèle Lesbre a rencontré Victor Dojlida à sa sortie de prison et l’a côtoyé jusqu’à sa mort en 1997. Bouleversée par le destin de cet éternel rebelle dont la vie a été brisée par la guerre et les désillusions, elle est partie sur ses traces, a exploré les archives et s’est surtout souvenue de leurs conversations, pour lui rendre cet hommage personnel. A travers la vie de Victor, elle évoque l’histoire d’une main-d’œuvre immigrée sacrifiée.
Le récit est poignant, car qui se souvient aujourd’hui de cet homme et de ses congénères ? Mais, il me semble un peu insuffisant et pas assez étoffé. Comment passer d’un simple témoignage à quelque chose de plus universel ?
Locandro, Catherine. - L'enfant de Calabre. - Héloïse d'Ormesson. - 263 p. -18 €
Dans les affaires de sa mère récemment décédée, Frédérique Ivaldi, écrivain en manque d'inspiration, découvre une photo de son père avec une inconnue. Elle perçoit sur son visage une expression de douceur et de plénitude qu'elle ne lui connaissait pas. Frédérique décide alors de se rendre à Nice, la ville de son enfance. Avec l'aide d'une agence de détectives privés, elle espère retrouver la trace de cette femme mystérieuse et comprendre un peu mieux son père, un homme qui était distant et discret sur son passé. Commence alors pour elle une quête identitaire qui la mènera jusqu’à Gênes.
Pour son cinquième roman, Catherine Locandro entremêle trois récits. Celui, en 1954 en Indochine, de l'amitié indéfectible de Matteo et Vitto, le père de Frédérique. Celui de l'enquête actuelle de Frédérique. Et, son journal intime adressé à sa grand-mère calabraise, morte à 39 ans, bannie pour un amour illégitime. Cette construction savamment orchestrée nous tient tout le roman, malgré quelques longueurs. L’auteur décrit l’enfer de la guerre d’Indochine dans toute sa cruauté et sa laideur, et montre très bien le traumatisme vécu par ces hommes de la Légion, ainsi que les répercussions que cela entraîne sur leurs descendants. Le thème de l’homosexualité y est également abordé, ce qui est assez rare pour être noté. La psychologie des personnages est bien construite, la plume fluide et agréable à lire. Seul regret, un manque de surprise parfois dans les événements qu’on anticipe… excepté le dénouement final.
Marguier, Claire-Lise. - Les noces clandestines. - Rouergue, La brune. - 120 p. - 14 €
Voilà un livre déconcertant :
Que penser d’un professeur d’histoire-géographie décidant de vaincre sa solitude en séquestrant un jeune et beau sans-abri ? Antipathie, répulsion, dégoût et bien d’autres sentiments similaires. Cependant, l’auteur a une telle maîtrise de la langue que le récit dépasse très vite cette première impression. En effet, Claire-Lise Marguier retranscrit avec brio la finesse psychologique des personnages et le rapport complexe qui s’instaure entre le bourreau et sa victime. La manipulation est omniprésente, à tel point que le lecteur lui-même ne sait plus que penser de cette situation dérangeante et cependant envoûtante…
Marsh, Willa. - Le prix de l'innocence. - Autrement. - 267 p. - Traduit de l’anglais. - 19 €
Fiona, la cinquantaine, mariée à James, reçoit une lettre de son amie de longue date, Vanessa, lui demandant si son fils Alex peut venir leur rendre visite. Cette lettre l'a fait replonger dans ses souvenirs, dans l'Angleterre des sixties, alors qu'elle avait à peine vingt ans : le premier job dans un grand magasin, le premier flirt, sa rencontre avec Vanessa et James. Entre surprises-parties et virées entre amis, Fiona prend goût à la liberté, mais l'insouciance laisse petit à petit place à la désillusion, dans son cheminement vers le monde adulte. Aujourd'hui, avec la future venue d'Alex, d'autres souvenirs plus douloureux lui reviennent en mémoire.
Willa Marsh met de côté le style grinçant et humoristique de ses précédents romans (Meurtres entre sœurs,Meurtres au manoir,Le journal secret d'Amy Wingate) pour raconter cette histoire où s'entremêlent les souvenirs et les états d'âme actuels de l'héroïne. L'ensemble est bien mené, rempli de sensibilité. L'auteur utilise subtilement la métaphore de la danse, mise en avant dans la chanson Let's face the music and dance ("Bravons la tempête et poursuivons la danse") qui revient tout au long du récit. On plonge gentiment dans le parcours de Fiona, tout en croisant quelques rebondissements, jusqu'à la révélation finale.
Un joli roman et un bon moment de lecture.
Martinez, Gabi. -Histoire vraie de l’homme qui cherchait le yéti. - Autrement. - 523 p. - 23 €
Gabi Martínez(né en 1971) est journaliste et écrivain. C’est une référence du journalisme littéraire en Espagne. Il a écrit plusieurs livres de voyages et de fiction.
Roman inspiré de faits réels : Jordi Magraner, zoologue franco-espagnol a arpenté les montagnes d'Afghanistan et du Pakistan à la recherche du yéti ou barmanou, à la fin des années 80.
A 20 ans, il part pour le Pakistan où dans la cordillère de l’HinduKuch, 40 sommets culminent à 6 000 mètres. Il parle six langues et se consacre corps et âme à sa recherche de l’animal légendaire, mi-monstre, mi-créature imaginaire. Il s’intéresse aux animaux et aussi aux peuples comme les Kalashs. Le prince Hilal et Khalli lui servent de guide. La population vit au plus près de la nature. Après son premier voyage, Jordi veut à tout prix retourner à Chitral sur les traces du barmanou avec son ami Erik (le préfacier). Il doit sans cesse démontrer l’intérêt de ses recherches pour la science afin d’obtenir de l’argent. Le contexte historique le rattrape avec l’apparition des talibans.
Gabi Martinez se réfère aussi aux voyageurs et scientifiques précédents qui ont étudié les animaux et les croyances liées. L’auteur suit les traces de son héros au Pakistan quelques années plus tard.
Un récit romancé passionnant et dépaysant, au titre un peu réducteur.
Morin, Pascal. - Comment trouver l’amour à 50 ans quand on est parisienne. - Le Rouergue, La brune. - 190p. - 18 €
Né en 1969 dans la Drôme, Pascal Morin enseigne les Lettres en classes préparatoires aux grandes écoles, et le cinéma à la New York University, à Paris. Il s'est imposé dès son premier roman, L'eau du bain, en 2004.
Catherine Tournant, originaire de l’Yonne, vit en divorcée dans un petit appartement à Paris. Tous les jours, elle part dans son lycée d’Aulnay-sous-Bois enseigner le français à des élèves peu motivés. Cette femme terne et solitaire se considère comme une « vieille schnoque » et voudrait faire le bien autour d’elle. Elle essaie d’aider Natacha, jeune Polonaise qui vient de perdre sa mère. Mais la jeune fille quitte le lycée « majeure et vaccinée », et veut trouver sa place dans le monde adulte.
Contre toute attente, Catherine tombe amoureuse de Robert Diop, et se met alors à réfléchir sur les clichés liés au racisme. Elle tente de s’affranchir des préjugés et entreprend de s’épanouir.
Dimitri, le fils de Robert, plombier chez Catherine, a du mal lui à accepter sa peau noire et entame une psychothérapie chez Eve-Marie Saada, la sœur de Catherine.
Pascal Morin bâtit son roman avec des personnages plutôt mal dans leur peau, et qui sont face à un tournant de leur vie. Ils se rencontrent de façon inattendue et s’ouvrent aux autres.
Un roman sensible, drôle et attachant, qui reflète un certain malaise de notre époque.
2eme avis :
Autour de Catherine Tournant (tous les personnages ont nom et prénom) professeur très dévouée et compétente, prototype du bon prof au lycée de banlieue du nord de Paris (par choix) et mère célibataire d’une fille partie aux Etats-Unis, tournent un certain nombre de personnages dont la vie bascule. Natacha, son élève, devenue orpheline d’une mère émigrée polonaise, et qui n’accepte pas son aile protectrice et veut faire ses propres expériences. Dimitri Diop, un jeune plombier, perturbé par une rupture faite par SMS. Son père, Robert, beau sénégalais, veuf, professeur d’histoire que Catherine rencontre, car elle a aidé, sur la demande de Dimitri, la petite sœur pour son bac de français. Eve-Marie Saada, la psy que finit par consulter Dimitri, perturbée elle-même par son métissage juif-catho. Jérémie, couturier homosexuel, chez qui Dimitri pose du carrelage. C’est une véritable galerie de personnages « clichés » de notre société actuelle que nous campe l’auteur. Mais c’est volontaire et avec maestria, empathie et beaucoup d’humour, qu’il les fait évoluer, au sens propre et figuré, devant nous. Il explore les problèmes que posent à chacun leurs origines, couleur de peau, différences culturelles et religieuses. A aucun moment, il ne tombe dans le pathos, le « social » ou le cliché, car il témoigne d’une tendresse pour ses personnages en quête de sens de leur vie et de l’universalité de leur humanité
Pascal Morin, grâceà une plume alerte et vive, donne une vision optimiste d’un monde possible, si le lâcher prise permet la libération des préjugés ; ce que font ses personnages. A la fin, tous se retrouvent ensemble à la campagne. On est un peu, chez Anne Gavalda ou les Bisounours, mais cela fait du bien.
Nakamura, Fuminori. - Pickpocket. -Picquier. - 189 p. - Traduit du japonais. - 17,50€
Le lecteur est plongé dans le quotidien d’un pickpocket solitaire, et en apprend davantage sur l’art de dérober. Voler semble alors d’une simplicité déconcertante, à tel point que le personnage finit par subtiliser sans même s’en rendre compte. Mais le jour où il surprend un enfant en train de voler puis rencontre un yakuza, son existence bascule dangereusement…
Un roman noir qui se lit avec plaisir.
Nicol, Mike. - La dette (Série : Vengeance, vol.1). - Ombres noires. - Traduit de l’anglais (Afrique du Sud). - 554 p. - 22 €
Au Cap, en Afrique du Sud, Mace Bishop et Pylon sont deux anciens mercenaires et trafiquants d’armes reconvertis dans la sécurité. Ils sont engagés par un patron de boîte de nuit en proie à la vindicte d’une association religieuse, la Pagad, qui voudrait faire fermer son établissement, lieu de perdition et plaque tournante de la drogue. La Pagad- qui n’a de respectable que l’apparence - est défendue par une avocate aussi belle que vénéneuse, SheminaFebruary. Cette dernière semble bien connaître Mace et Pylon et va s’immiscer dans leur vie, surtout dans celle de Mace. Pourquoi lui ? Et qui est-elle vraiment ? Une espionne, une ancienne victime assoiffée de vengeance, une ex-terroriste… ? Mace et le lecteur vont sans répit se poser la question jusqu’à la fin du livre.
Haine, drogue, trafics et meurtres en tous genres, ce récit donne aussi à voir la face sombre d’un pays confronté à la violence, et qui a du mal à surmonter les injustices et la barbarie de son passé.
Roman efficace, d’une lecture très aisée, qui devrait sans doute plaire aux métrosexuels urbains accros aux salles de gym et boîtes de nuit.
Pagnotta, Antonio. - Le dernier homme de Fukushima. - Don Quichotte. - 219 p. - 18 €
Le paysan japonais NaotaMatsmura, 53 ans, est resté vivre dans la "zone interdite" de Fukushima après la catastrophe nucléaire. Deux ans après, alors que la radioactivité continue de contaminer la nature, il a décidé de recueillir les animaux errants dans une sorte d'arche de Noé. Un témoignage exceptionnel raconté par le photo-journaliste Antonio Pagnotta.
L’auteurdresse un réquisitoire féroce contre la société Tepco (opérateur nucléaire japonais).
Il puise la force de résistance dans sa philosophie shintoïste ancestrale.
Le livre est clair, facile d’accès, très précis et rappelle certains ouvrages parus après la catastrophe russe de Tchernobyl.
Pelletier, Chantal. - Cinq femmes chinoises. - J. Losfeld. - 131p. - 15 €
Xiu, Daxia, Mei, Fang, Baoying, cinq femmes qui cherchent la lumière, et tous les moyens pour échapper à l'ombre ou à la boue des origines. Toutes connaissent des souffrances, des enfances difficiles, des abandons, des manques, mais toutes se battent avec leurs armes, le travail et la séduction, pour asseoir leur situation, conquérir du pouvoir, gagner beaucoup d'argent. Elles ont des caractères entiers, des personnalités très fortes. Elles « préfèrent pleurer sur le siège d’une BMW que d’être heureuse sur un vélo ».
Les cinq femmes de ce roman ne sont pas seulement liées par le sang, l’amitié ou le destin, mais elles sont le symbole de la femme en Chine aujourd’hui, dans un univers de tours de béton et de mondialisation accélérée. Après le poids ancestral des coutumes, puis les brimades du régime maoïste, elles accèdent à une société qui n’est pas plus tendre et dans laquelle elles cherchent leur féminité.
Elles croient en l’importance de l’indépendance par les études, travaillent dur, s’accordent le droit à l’homosexualité, n’hésitent pas à se déplacer ou s’exiler, à renoncer au sentiment et à la famille.
Le livre s’achève sur un orage qui emporte hommes et bêtes dans le tourbillon des tempêtes de la vie.
L’écriture est implacable et réaliste. L’auteur montre le prix à payer pour entrer dans la mondialisation en s’affranchissant des étapes.
Radulescu, Razvan. - La vie et les agissements d’Ilie Cazane. - Zulma. - Traduit du roumain. - 263 p.- 20 €
Ilie Cazane est un brave type, flemmard, sachant se faire inviter sans jamais payer sa part. Il épouse Georgette, qui accouchera d’un second Ile Cazane. Mais il possède un don : planter des tomates qui deviennent géantes ! Ce qui n’est pas du goût du colonel Chirita qui l’arrête et le jette en prison, et veut faire avouer à Ilie quel est son secret pour avoir de tels fruits.
Le petit Ilie grandit sous l’œil du colonel, qui propose qu’il devienne un grand musicien.
Ce premier roman se lit comme une farce de la Roumanie communiste. Les deux héros portant un prénom identique sont la métaphore d’un monde qui n’évolue pas : les générations se succèdent, mais le passé reste.
Un livre original et amusant.
Sedira, Samira. - L’odeur des planches. - Le Rouergue, La Brune.- 135 p. - 16 €
Samira Sedira est comédienne. Ce livre est son premier roman.
L’auteur raconte son enfance à son arrivée en France, la dépression de sa mère qui ne se s’intégrait pas comme les autres femmes, par peur de montrer son ignorance. Elle expose également sa vie de femme de ménage lorsqu’elle n’a plus obtenu de contrat pour jouer vers l’âge de 40 ans. La honte l’a expulsée de son ancien milieu professionnel, de ses amis, de sa vie d’avant.
Le parallèle entre les deux époques est intéressant.Samira Sedira comprend enfin le mal-être de sa mère, car elle est aujourd’hui comme elle en marge du reste du monde par honte.
Écrit sans étalage de sentiment en toute simplicité, ce petit roman est prenant.
Serdan, Eliane. - La fresque. - S Safran. - 160 p. - 12,50 €
Gian di Bruno a dû quitter Sienne, où il menait une vie de grand seigneur, pour s’exiler dans une maison loin de tout dans la campagne toscane, car un tyran y règne et le menace. Nous sommes fin XVe siècle, mais le sujet est plus philosophique qu’historique. Comment supporter la rupture avec la vie harmonieuse qu’il avait, comment trouver d’autres repères dans son isolement, à part une solide femme de charge, et dans la rigueur et le silence de son nouvel habitat. Le premier hiver est très rude et il craint de ne pouvoir survivre à un autre, malgré la lecture qui fait son quotidien.
Un temps, il croit renaître avec l’amour frivole d’une jeune femme voisine. Il en domine la déception grâce à la rencontre d’un moine et un séjour au couvent. Une mutation s’opère en lui : intériorité, détachement et imprégnation de l’environnement de la forêt. Il trouve un salut dans l’écriture « qui ne console pas de la vie, mais en donne une autre ».
L’auteur mène son récit épuré avec beaucoup d’élégance et de culture. On pense à une fresque de l’époque de Giotto, qui dépeint des personnages hiératiques et intemporels.
Shafak, Elif. - Crime d’honneur. -Phébus - 410 p. - Traduit de l’anglais (Turquie). - 23 €
Fille de diplomate, ElifShafak est née à Strasbourg en 1971. Après une adolescence en Espagne, elle s'installe en Turquie. Elle obtient un doctorat en sciences politiques, puis enseigne aux États-Unis. Internationalement reconnue, elle est notamment l'auteur du très réussi Soufi mon amour.
Dans cette saga, on suit une famille turque dans les années 50, puis à Londres lorsqu'elle émigre dans les années 70. Pembe et Adem quittent Istanbul pour l'Angleterre avec leurs enfants Iskender et Esma. Yunus naîtra par la suite. La mère de Pembe est morte en couches, espérant enfin mettre au monde un fils après la naissance de huit filles, dont les dernières, les deux jumelles, Pembe et Jamila. Le destin de ces deux filles, éloignées par la distance et le mode de vie, diverge : l'une restée dans son pays, l'autre émigrée dans une société qui rejette les étrangers. Si la jeune génération comme Yunuss'adapte facilement, les mentalités des pères et même fils aînés évoluent peu. Pour les parents, l'intégration et l’apprentissage de la langue sont plutôt difficiles. Lorsqu'Adem s'installe avec sa maîtresse, Pembe (Destinée en kurde)se retrouve seule avec ses enfants. Elle trouve l'amour ailleurs, ce qui déclenche le drame annoncé dès le titre. Le fils aîné, devenu chef de famille, refuse cette liaison illégitime. Iskender, le sultan meurtrier, est prêt à tout pour le préserver et n’hésite pas à tuer sa mère, décidé à laver cet affront par un crime d’honneur. Si la femme est salie, le mari ou à défaut le fils aîné doivent défendre l'honneur de la famille. Si l'homme peut tromper, la femme doit rester irréprochable. La suprématie des hommes, la soumission des femmes, l’interdiction à l'amour hors mariage uniquement pour celles-ci. Entre l'honneur et l'horreur, l’auteur ne porte pas de jugement.ElifShafakbouscule la chronologie, alterne l’Euphrate et Londres; les personnages se débattent entre le respect des traditions et une hypothétique aspiration à la liberté face au poids du destin. Tout est décrit par touches impressionnistes, subtiles.
Siefener, Michael. - Albert Dunkel, écrivain de génie, tueur en série. -S. Safran. - Traduit de l’allemand. - 235 p. - 19 €
Né en 1961 à Cologne, Michael Siefener est écrivain et traducteur. Après des études de droit et une thèse sur les procès de sorcellerie, il se consacre à l'écriture à partir de 1993. Il a publié plusieurs recueils de nouvelles fantastiques, des poèmes, ainsi que de nombreux romans.
Sans doute, avez-vous déjà lu des biographies d’écrivains, mais ce livre nous offre quelque chose d’inédit. Vous ne connaissez sûrement pas Albert Dunkel (1958-1988), pseudonyme d’Albert Hell, auteur allemand sombre et maudit, puisqu’il n’a pas existé !
Michael Siefener nous offre donc un roman en forme de pastiche de biographie. Tout y est : il retrace le parcours de son auteur favori, de l’enfance à sa mort tragique, en le découpant par séquences chronologiques, agrémentées de citations et témoignages, de notes en bas de page. Il y joint évidemment la bibliographie, et espère une étude sérieuse consacrée à cet homme.
Non seulement Albert Dunkel n’a jamais vécu, mais en plus, l’auteur choisit de bâtir sa démonstration avec un homme antipathique, cruel, torturé, au regard effrayant, étouffé par sa mère, incapable de vivre en société. Le succès prodigieux de son premier roman ne lui apportera pas le bonheur. Mais le lecteur marche et va allègrement jusqu’au bout de cette imposture ! Chapeau !
Stefanakis, Dimitris. - Film noir. - V. Hamy - Traduit du grec. - 340 p. - 24 €
Né en Grèce en 1961. Après des études de droit à l’université d’Athènes, il traduit des auteurs anglais. Son premier roman, qui lui a donné sa place dans la littérature néo-hellénique, est Jours d’Alexandrie, best-seller en Grèce.
Roman inspiré par Basil Zaharoff, (de son vrai nom ZachariasBasileiosZaharopoulos ; 1849-1936) marchand d’armes grec qui a fourni les armées ennemies, financier et personnage richissime d’envergure internationale.
En 1887, Maria del Pilar voyage avec sa duègne dans l’Orient-Express, à destination de Paris, afin d’épouser un prince de Bourbon d’Espagne. Dans le train, elle croise un homme charmant -irrésistible- mais qui a le double de son âge et s’abandonne à l’inconnu ! Pourtant, le lendemain, la jeune fille épouse le cousin du roi, à moitié fou, souvent interné. Mais Basil le séducteur est épris, et leur passion durera des années, suivant leurs voyages respectifs à Paris. Il se fait fabriquer de faux papiers pour devenir français. En affaires, il emploie des méthodes de filou pour parvenir à ses fins, n’hésitant pas à usurper des identités ou discréditer ses concurrents. Il achète un hôtel particulier avenue Hoche, près du parc Monceau, pour satisfaire le goût de sa maîtresse pour les jardins. La duchesse prétend que ses deux premiers enfants sont de son mari.
Les amants ne se marient que 37 ans plus tard, en 1924, après la mort du duc. Mais dix-huit mois après le mariage, Maria décède.
Ces aventures sont entrecoupées par les entrevues au Café de la Paix, du petit-fils de Basil, Philippe Thébault, qui s’entretient avec Don Miguel Tharabon, ami de son grand-père afin de reconstituer sa vie. Le jeune homme vit de son côté une passion assez houleuse avec Gisèle.
Une épopée passionnante, écrite d’une plume alerte ; peu importe que le personnage central soit un marchand d’armes ; le récit brasse toute l’époque où l’on croise Krupp, Dreyfus, Clémenceau, qui le considère comme un allié et à qui il offre une Rolls…
Stevens, Chevy. - Il coule aussi dans tes veines. - L’Archipel. - Traduit de l’américain. - 405 p.- 22 €
Sara Gallagher, restauratrice de meubles sur l’île de Vancouver, est une jeune femme adoptée. Maman d’une petite fille, Ally, et fiancée à Evan, un jeune homme bien sous tous rapports, elle est absorbée par la préparation de son mariage.
Elle est convaincue que le fait de retrouver sa mère biologique lui permettra d’être mieux dans sa peau. Quand elle y réussit, tout semble s’écrouler autour d’elle : sa mère biologique la rejette, et elle apprend que son père biologique est un tueur en série, le fameux tueur des campings, qui a sévi bien des années plus tôt et n’a jamais été retrouvé. Pire encore : le tueur en question, apprenant par des fuites sur Internet que Sara est sa fille, se découvre sur le tard une vocation paternelle et veut absolument entrer en contact avec elle ! Comment Sara va-t-elle se débarrasser de ce géniteur encombrant ?
Je n’ai quasiment pas lâché ce policier une fois commencé. La fin est moins réussie (trop de coups de théâtre tuent l’effet), mais sinon, c’est vraiment haletant d’un bout à l’autre.
Tejera, Nivaria. - Le ravin. - La Contre allée, La Sentinelle. - 248 p. - Traduit de l’espagnol. - 19 €
Romancière et poète née en 1933, exilée à Cuba dans les années 60 ; elle a été attachée culturelle à Paris. Ce livre est déjà paru en France en 1958, découvert par Maurice Nadeau, unanimement salué.
La narratrice, une petite fille de 8 ans environ, nous parle de la guerre civile aux Canaries. Des phalangistes surgissent dans sa maison et viennent arrêter son père, journaliste accusé de soutenir Franco. La fillette vit avec sa mère, son grand-père très présent dans le récit, son petit frère et sa tante.
Elle est traumatisée par cette séparation, les combats dans les rues, le couvre-feu, ses visites à la prison. Elle a peu d’amies : face au drame vécu, elle les trouve un peu stupides.
Elle ne tarde pas à faire des cauchemars, à imaginer que son père est fusillé, et son corps jeté dans le ravin où l’on entasse les cadavres.
Ainsi la guerre d’Espagne vient bouleverser le quotidien d’une famille, qui s’en trouve brisée. C’est « une douloureuse expérience enfantine », des événements tragiques « perçus par une sensibilité d’enfant, atmosphère plus que description » nous confie Geneviève Bonnefoy (p. 246). L’auteur a vécu elle-même l’incarcération de son père dans les prisons de Franco, et témoigne avec beaucoup de justesse de la souffrance de son personnage.
Tseden, Pema. - Neige. - Picquier. - Traduit du chinois et du tibétain. -171 p. -17,50 €
L'auteur, connu du Tibet contemporain grâce à ses nouvelles publiées dans la presse tibétaine et chinoise, est aussi un metteur en scène (3 longs métrages ayant obtenu des prix). Pour faire connaître sa culture, aujourd'hui menacée, qui s'intègre dans le monde actuel, il publie sept de ses nouvelles écrites en tibétain et en chinois (langues qu'il maîtrise parfaitement). Toutes les nouvelles donnent une place importante au bouddhisme et à la rencontre de la tradition et de la modernité. Dans la préface, l'écrivain souligne le rôle que l'écriture joue dans sa vie et elle lui procure la paix intérieure et l'équilibre entre le corps et l'esprit.
Une lecture agréable et facile, même pour les « non-initiés » à cet univers.
Tyler, L.C. - Etrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage. - Sonatine, 2012. - Traduit de l’anglais. - 228 p. - 16€
Ethelred Tressider, le narrateur, écrit des romans policiers sous trois noms différents, talonné par son agent littéraire Elsie qui voudrait bien avoir une place dans sa vie. Sa femme, Géraldine, l’a quitté pour son ami Rupert, la femme de ce dernier pour un autre ami. Chaque personnage est posé pour avoir un rôle dans l’action. Ethelred apprend que sa femme a disparu en laissant une voiture de location sur une plage pas loin de chez lui, puis il est amené à reconnaître un corps, le sien. La police évoque après la piste du suicide (lettre dans la voiture) celle d’un tueur en série. Bienvenue aux tueurs en série, qui aident les magouilleurs !
Mais, les actes curieux de Géraldine, avant sa mort, poussent Ethelred à comprendre pourquoi elle a emprunté autant d’argent et pourquoi les fonds mis sur un compte en Suisse ont été retirés par une inconnue. Elsie le talonne dans son enquête en espérant qu’il retrouvera sa veine créatrice. Elle note ses observations en chapitres alternés avec ceux de l’écrivain.
Intrigue bien ficelée, donnant des indices qui entraînent des rebondissements ensuite, fin en suspense, beaucoup d’humour anglais, personnages volontairement caricaturaux, aucun pathos. Ecriture alerte. Plaisir de lecture.
Vigolo, Giorgio. - La Virgilia. - La Différence. - Traduit de l’italien. - 15 €
Réédité en 2013, ce texte a été à l'origine publié en 1982. Giorgio Vigolo a écrit ce roman entre 1921 et 1922. Peur d'être incompris, il l'a gardé secret pendant des décennies.
Au XIXe siècle, un jeune homme tombe amoureux de la Virgilia, poétesse de la Renaissance. Amoureux d'une image, il en rêve et imagine sa présence à travers un morceau de musique qui fait vibrer les murs de sa chambre.
Pour les amateurs de lyrisme et de poésie.
Vix, Elisa. - Rosa Mortalis. -Le Rouergue, Rouergue noir. - 282 p. - 20 €
Voici un roman qui réconfortera les amateurs de policiers. Ce dernier suit la trame de nos bons vieux polars, de ceux qui nous rendent nostalgiques,un enquêteur séduisant mais machiste, une partenaire torturée et rattrapée par son passé, une enquête à résoudre et beaucoup de personnages féminins. Voici les ingrédients que nous propose ce polar qui ravira les lecteurs du genre, tous les composants sont là et dressent une atmosphère pesante, allégée sans aucun doute par le caractère antipathique du personnage de Thierry Sauvage.
L’atmosphère allongée de ce récit se confronte à la psychologie « abrupte » des personnages, et permet au roman de créer son propre rythme de lecture (qui reste à mon goût un peu lent).
Wang Anyi. - Le plus clair de la lune. - Picquier. - Traduit du chinois. - 220 p. - 19 €
Dans un Shanghai enfiévré et mystérieux, Titi est une jeune fille d'une vingtaine d'années qui enchaîne les relations amoureuses.
De prime abord, elle paraît victime des hommes, mais au fur et à mesure du récit, elle se révèle être pleine de tempérament et de furie face à eux. Elle semble même avoir sur eux une emprise qui les désarçonne complètement.
Complexes chassés-croisés amoureux, les liens entre les uns et les autres se révèlent passionnés et violents. Les hommes désirent conserver l'illusion d'une jeunesse évanouie, tandis que les femmes goûtent au bonheur éphémère d'être préférée à une rivale.
Wang Anyi réussit là à dépeindre la violence des sentiments entre les hommes et les femmes, chacun se servant de l'autre sexe pour faire subsister une illusion.
Livre poétique et passionnant sur la complexité des relations entre les hommes et les femmes.
Werner David, Laurence. - A la surface de l’été. - Buchet Chastel. - 15 €
Née en 1970. Laurence Werner David a déjà publiéLe roman de Thomas Lilienstein.
En 2010, Antoine contacte L., une relation pour faire une traduction. Il retrouve son ami Martin, l’ancien amant de L. qui n’arrive pas à l’oublier. Antoine fait le lien entre les deux amants.
En 1982, Antoine passe son adolescence dans un chalet à la montagne.
Les deux autres volets du triptyque mettent en scène de nouveaux personnages masculins fragiles, abandonnés, un peu perdus, au bord de la faille, à la recherche d’eux-mêmes. On est dans l’instant présent ; on ne sait rien des personnages.
Un récit tout en finesse, pointilliste, comme ouaté par la brume de la montagne, qui plane tout au long du roman. Un joli livre si on se laisse porter par l’écriture, et qu’on accepte de rester dans le mystère.
Zekian, Ludovic. - Rideau !. - Phébus. - 121 p. - 11 €
Premier roman de Ludovic Zekian. Fils de commerçante, il écrit ce livre en hommage à sa mère. Celle-ci a travaillé toute sa vie dans un commerce. Elle a commencé très jeune par aider son père sur les marchés, puis a ouvert son propre magasin de vêtements, mais la concurrence des grandes enseignes l’a obligée à fermer. Elle a alors repris une maison de la presse - librairie. L’auteur décrit le quotidien de sa mère : se lever tôt, installer les quotidiens avant l’arrivée des premiers clients, les cartons de livres (offices, retours), puis les invendus le soir, compter la caisse, fermer le magasin… Toute son enfance, il l’a passée dans ce magasin avec lequel il a partagé sa mère.
Un jour, la décision est prise, il faut arrêter. Le fils s’aperçoit qu’il a fermé les yeux très longtemps sur la fatigue quotidienne de sa mère depuis plusieurs années, sur le déclin économique du « khanout » (c’est ainsi qu’il l’appelle entre eux).
Très beau témoignage d’un fils qui respecte le travail de commerçante de sa mère, même s’il a choisi de devenir fonctionnaire et travaille à Paris.
L’auteur termine joliment son livre sur une note optimiste, en pensant à la manière dont sa mère aurait mis en valeur le roman dans sa librairie.