Sélection petits-éditeurs sept 2011

Petits éditeurs – Sélection Septembre 2011

Retrouvez la sélection septembre 2011 de la commission petits éditeurs de BiB92



La Toscane, pas celle des touristes, une barre de HLM, une aciérie, monstrueuse mais peu à peu démantelée, une géante de béton et de métal, peu à peu mangée par la rouille, et bien sûr, la mer étincelante et la lumière.
Pour les jeunes, l’avenir est écrit d’avance, l’usine, les grossesses précoces, les sorties en scooter gonflé, sans casque, la drogue et la débrouillardise illicite…
Anna et Francesca, amies depuis l’enfance, partagent tout. Anna vit dans une famille aimante, malgré un père escroc, alors que Francesca a un père jaloux, violent qui la surveille à la jumelle et qui cogne. Elles vivent leurs premiers émois amoureux avec des copains, et découvrent le sens du trouble qui les lie. Quel avenir espérer dans cette région où le chômage règne ? Anna est prête à tout quitter pour faire des études et ne pas devenir une ex-militante communiste comme sa mère, déçue et velléitaire.
C’est à la fois un roman d’initiation et un roman social. Il se lit d’une traite avec plaisir. On peut reprocher des clichés attendus et appuyés : les mères vieilles avant l’âge, les pères violents ou lâches, les frères surveillant leur sœur, la jeune fille ingrate dévouée à sa sœur handicapée… Mais, on est plongé dans ce milieu ouvrier qui subit sa vie dans un décor de rêve, symbolisé par l’île d’Elbe, destination idyllique pour les deux amies.
L’auteur rend avec justesse l’ambiance, les odeurs et les émois des deux jeunes filles, particulièrement l’attirance homosexuelle de Francesca, qui n’est traduite que par des sensations et des impressions, par des mots. C’est fort et lumineux malgré le sujet, plutôt démoralisant de cette jeunesse perdue.
Avallone, Silvia. - D'acier. - L. Lévi. - Traduit de l'italien. - 387 p. - 22 €

Romancier et essayiste né en 1947, auteur de livres sur la littérature, la musique, la pensée contemporaine. Après Un Véronèse consacré à la peinture, Piano chinois aborde la musique classique et ses interprètes.
Lors d'un festival musical dans le midi, une jeune Chinoise joue Scarlatti, Brahms et Chopin. Deux critiques musicaux assistent à la représentation, et le lendemain, ils relatent le concert sur leur blog respectif.
L'un tire sur la pianiste, l'autre la porte aux nues. Subjugué, Frédéric Ballade, séduit par ce qu'il a entendu (sinon troublé), encense l'interprète. Il s'est pâmé en écoutant la jeune Chinoise, alors que l'autre critique, ironique et distant, dénonce le jeu aseptisé et sans âme de Mei Jin. Léo Poldowsy considère la Chinoise comme une machine à jouer. Au fil de leur rivalité, on apprend que l'un fut le maître de l'autre et que, en tant qu'aîné, il ne supporte pas que le cadet se regimbe.
Dans un premier temps, ils ignorent ce qu'écrit l'autre. Ils s'affrontent d'abord d'un blog à l'autre, puis par courriels privés. Construit autour de cette divergence, le duo se transforme en duel. Les deux journalistes rivalisent de bons mots ou de piques. Cet échange par blogs interposés nous offre une audacieuse relecture du roman épistolaire.
Une réflexion sur la musique occidentale et son interprétation par d'autres cultures. L'art a-t-il des frontières ?
Barilier, Étienne. - Piano chinois : duel autour d'un récital. - Zoé. - 132 p.- 16 €

Dès son plus jeune âge, l'enfant était un inconditionnel de la géographie, des atlas, de la mappemonde, avec laquelle il s'endormait.
Adulte, nous le retrouvons parcourant la planète, le sac sur le dos, au gré des vents, et s'intégrant au milieu des populations qu'il côtoie.
Sa passion des voyages, J. Blanc-Gras nous la communique, et c'est avec un humour dévastateur qu'il nous la fait partager. Nous sillonnons la planète, volons de pays en pays, passons d'un continent à l'autre à travers de courts chapitres pleins de drôlerie. (dans le désert marocain).
"nous sommes neuf dans une Peugeot 504 break. Je suis coincé entre un vieux barbu taiseux et un touareg enrhumé. J'ai un poulet sur les genoux et je suis assis sur le frein à main. J'aime voyager seul. C'est le meilleur moyen de ne pas rester très longtemps."
A travers ses pérégrinations, l'auteur pose un regard lucide et ironique sur ses contemporains, la société et le monde qu'il parcourt. Il voyage seul, hors des circuits touristiques, va à la découverte des autres, là où le mènent ses pas.
"Le paradis n'a pas d'adresse. Il se déplace à la surface de la planète pour offrir des moments furtifs à ceux qui savent les saisir."
Blanc-Gras, Julien. - Touriste. - Au diable vauvert. - 259 p. - 17 €

L’auteur, journaliste en panne de travail, décide de partir sac au dos, le Lonely planet en poche, sans oublier son MP3 bien chargé, autour de l’océan Indien. Avant de partir, il rencontre le journaliste de Libération en charge de la mise en place du site Libevoyage, qui lui propose un espace. En fait, à son retour, c’est un livre qu’il ramène.
Avec verve, énergie et enthousiasme, Antoine relate ce qu’il voit, qui il rencontre, ce qu’il ressent… il a la fraîcheur des Candides et la naïveté d’un découvreur, c’est un peu Tintin-baroudeur.
La musique, les raves locales, les jolies filles, l’insolite surtout l’attirent.
Pendant son périple, le jeune homme s’est intéressé aux communautés qui vivent en marge dans leur pays. Auroville en Inde, les Zoroastriens en Iran, les Rastas Shashamane en Ethiopie. Cette dernière communauté vit sur une concession accordée par l’empereur Hailé Sélassié à la diaspora afro-américaine, qui voulait revenir en Afrique. En Ethiopie encore, Antoine Calvino a partagé le quotidien d’une autre communauté, celle d’Awra Amba. Une autre Utopie africaine où les hommes et les femmes font le même travail : éducation des enfants, tâches ménagères, culture…
C’est un récit de voyage très personnel, proche de celui d’Antoine sur la mer… loin des guides.
Calvino, Antoine. - Un an autour de l'Océan Indien. - Phébus. - 256 p. - 17 €

Epouse d'un avocat brillant, des enfants magnifiques, une maison dans un quartier résidentiel, une agence immobilière, Nathalie Royer a tout pour être heureuse. Pourtant le lecteur perçoit vite, par des détails distillés çà et là que quelque chose ne va pas.
Quand Nathalie apprend que son fils va se marier avec une certaine Galla, elle est d'abord heureuse, mais lorsqu'elle voit la jeune femme, elle s'inquiète violemment et voit en Galla un danger potentiel pour son fils. Commence alors pour Nathalie, une descente aux enfers, et son monde s'écroule brusquement et les non-dits explosent!
Paranoïaque à l'égard de Galla, Nathalie décide de mener une enquête sur cette dernière. Entre secrets de famille, non-dits et folie, le récit rappelle, à la fois "Le 13ème conte" de Diane Setterfield, dans la manière dont s'imbriquent tous ces de secrets de famille, et l'héroïne paranoïaque du Voisin de Tatiana de Rosnay.
Avec l'enquête sur Galla c'est tout l'équilibre de la famille Royer qui vacille, et les fantômes sortent des placards! Tromperie, enfant mort, meurtre, maladie, folie...
L'auteur réussit grâce à un récit fluide et haletant, à transporter le lecteur dans la course effrénée de son héroïne Nathalie. Est-elle saine d'esprit ou complètement folle ?
Ce roman psychologique, à suspense est totalement actuel et dans l'air du temps. Il se lit avec aisance et semble poser comme question : est-il bon de tout dire ? Jusqu'à la dernière ligne l'auteur questionne...
Dyens, Dominique. - Intuitions. - H. d'Ormesson. - 186 p. - 17 €

Ana, une jeune femme, maman célibataire d'une petite fille, étudiante en biologie à l'université de Copenhague, est sur le point de remettre son mémoire de maîtrise, lié à une controverse sur l'origine des oiseaux (les oiseaux descendent-ils ou non des dinosaures ?), lorsque Helland, un de ses deux directeurs de mémoire est retrouvé mort dans de mystérieuses circonstances. L'autopsie de son corps révèlera qu'il était infesté de larves de ténia de porc. S'ensuivent d'autres morts, dans l'entourage d'Ana, tout aussi inquiétantes...
L'auteur, biologiste et journaliste, maîtrise parfaitement la démonstration scientifique tout en restant très accessible.
Ce n'est pas la moindre qualité de ce roman passionnant, qui donne vie à des personnages très fouillés, et qui garde son mystère jusqu'à la fin.
Gazan, Sissel-Jo. - Les plumes du dinosaure. - Le Serpent à plumes, Noir. - Traduit du danois. - 526 p. - 26 €

George Washington Crosby, horloger miné par une maladie incurable, arrive au terme de sa vie. Entouré des siens et de ses chères horloges, il agonise, voit le réel autour de lui transformé par le prisme de son regard halluciné, les objets se déforment. Il ne reconnaît plus les silhouettes floues de ceux qui le veillent en permanence.
Il convoque à son chevet, les fantômes de son père, Howard, vendeur ambulant, épileptique, qui prit la fuite avant d'être interné, puis, à son tour Howard convoque son propre père, un pasteur.
Est-ce que ce sont de réels souvenirs, ou George recrée-t-il une vie et un personnage pour son père disparu ?
Le passé et le présent s'imbriquent, donnant naissance à un texte très poétique, très fort aussi, sur la filiation, entrecoupé de très belles descriptions de la nature américaine.
Les foudroyés a obtenu le prix Pulitzer en 2010. On se laisse vite gagner par la beauté de l'écriture, une sorte de magie un peu indéfinissable qui illumine une mort annoncée.
Harding, Paul. - Les foudroyés. - Le Cherche midi, Lot 49. - Trad. de l’américain. - 185 p. - 15 €

Ilf-Eddine est né à Paris en 1976 et joue aux échecs. Il travaille dans la coopération, et vit à Lisbonne. Premier roman.
Débute un tournoi d'échecs qui doit désigner sept candidats pour le titre de champion du monde. Un joueur russe, en fin de carrière, se remémore les étapes importantes de sa vie. Parviendra-t-il à décrocher enfin le titre tant attendu ?
Lors des onze chapitres suivant les onze rondes du tournoi, nous pénétrons dans le cerveau de ce joueur vieillissant, qui poursuit le tournoi en même temps qu'il fait un point sur sa vie. L'auteur nous lie immédiatement avec ce vieux passionné. Son roman tient en haleine jusqu'au bout, et même pour un non initié, il est passionnant. Le vocabulaire technique, les détails des parties jouées, les phases de jeu décortiquées ne rebutent pas ; ils font monter le suspense, même sans visualiser la partie.
A travers la mémoire du narrateur, le lecteur revit l'Histoire des échecs : la fameuse école soviétique ainsi que la bouleversante arrivée des logiciels informatiques et de ses moteurs de recherche de variantes.
On mesure aussi les espoirs et la solitude, qui habitent celui qu'une passion ou un talent dévore. La solitude du joueur d'échecs de haut niveau est bien évoquée. Le joueur s'apparente au sportif.
Ilf-Eddine connaît parfaitement le milieu des échecs. Il sait décrire les émotions ressenties par le joueur, seul devant les 64 cases. Comme dans la vie, le joueur doute, tremble, rêve, perd et gagne...
Un premier roman au charme inexplicable et magique, qui dresse le portrait d'un homme vieillissant, solitaire, qui a tout donné à sa passion, alors qu'il qui se sent décliner irrémédiablement.
Ilf-Eddine. - La dernière ronde. - Elyzad. - 194 p. - 15 €

Ce polar associe une connaissance parfaite des circuits financiers, de la face cachée du pouvoir et des enquêtes judiciaires,
Nwankwo, patron de la brigade financière de Lagos (Nigéria) enquête sur le gouverneur Finley et son train de vie luxueux.
Lira, journaliste à Saint-Pétersbourg travaille sur le dossier Serguei Louchski, oligarque russe à la fortune douteuse.
Félix, greffier au tribunal de Nice est lui, sur l'affaire du décès suspect de Linda Stephensen, femme d'un banquier des îles Féroé.
Les trois personnages principaux qui, bien sûr, vont se rencontrer évoluent dans ce monde malgré eux, mais ne lâchent pas l'affaire, bien décidés à faire la lumière sur cet imbroglio financier. Avant tout, ils veulent faire tomber les responsables des transactions financières illégales. Ensemble, ils se motivent, forment une équipe qui traque et trouve des informations, chacun dans son domaine, et, mises bout à bout, elles éclairent l'arnaque internationale conduite par S. Louchski et ses sbires.
Pas haletant dans le rythme, mise à part la poursuite dans le métro, ce polar tient bien son lecteur. Les personnages sont attachants, et l’intrigue rappelle les derniers scandales mondiaux et la crise financière internationale.
Joly, Eva / Perrignon, Judith. - Les yeux de Lira. - Les arènes. - 317 p. - 20 €

La narratrice est amenée par son père dans une ferme d’Irlande. Sa mère, de nouveau enceinte, ne peut s’occuper de la fillette. Celle-ci apprend à connaître petit à petit ce couple de fermiers, leurs travaux quotidiens… Pourquoi la fermière l’habille-t-elle avec des vêtements de garçon ? Pourquoi M. Kinsella réagit-il de cette façon en les découvrant sur elle ? La fillette s’épanouit grâce à leur affection et à la beauté de la nature qui l’entoure.
Keegan, Claire. - Les trois lumières. - S. Wespieser. - Traduit de l'anglais (Irlande). - 100 p. - 14 €

Née à Tours en 1965, après avoir vécu en Bretagne, Anna Kochert devient standardiste dans une préfecture en Normandie. Elle rencontre enfin l'homme de sa vie à Carcassonne, où elle est mutée. Elle vit aujourd'hui au cœur de la Montagne Noire. Sa passion pour les demeures abandonnées l'a poussée à écrire et à recréer dès lors une histoire, un passé, pour ces bâtisses oubliées... Ainsi est né Des larmes au Paradis.
En déménageant un meuble de leur maison près de Carcassonne, un couple trouve une pièce condamnée et une boîte de vieilles photos. Une jeune fille ressemble à la leur… Chrystel et Julie veulent en savoir plus. Elles entreprennent des recherches et interrogent le grand-père.
En 1900, Sophie et sa fille Amandine deviennent bonnes dans le manoir de Charles Desclots, homme violent porté sur les jeunes filles. Elles deviennent amies avec Cécilia, la cuisinière. Mais Sophie meurt dans un incendie.
A la mort de sa femme, Charles met Amandine dans son lit, et celle-ci ne peut lui résister. L'orpheline devra subir les assauts répétés de l'alcoolique, qui n'arrive pas à se maîtriser.
L'auteur nous plonge alternativement dans ces deux époques. C'est une véritable enquête que la découverte de photographies déclenche. Le lecteur se laisse emporter par cette jeune servante au destin cruel. Du suspense aux émotions ou à l'humour, ce roman est écrit avec un style à la fois simple et authentique. A conseiller à un large public.
Kochert, Annie. - Des larmes au Paradis. - Qui lit vit. - 261 p. - 19 €

Attention, OVNI ! Ceci n'est ni un roman, ni une étude, ni une bio, mais un peu de tout cela, y compris -et surtout-une autobiographie.
Marie Lebey, part à la recherche des lieux qui hantent les romans de Patrick Modiano, et on sait à quel point l'auteur de La place de l'Etoile et de La rue des boutiques obscures peut affectionner de les dépeindre.
Appareil photo en main, (clichés sur le site de l'éditeur) Marie commence donc cette quête vertigineuse, tout en en appelant à tous les points communs, qui peuvent plus ou moins exister entre le romancier et elle (le frère / la sœur morts très jeunes)...
La démarche est celle d'une fan, mais c'est aussi une thérapie personnelle pour surmonter une dépression, qui laisse une impression étrange,
Et Modiano dans tout ça ? Il a très peu apprécié qu'on lui réinvente ses souvenirs, qu'on aille sur la tombe de son frère, et l'a ressenti comme une atteinte à sa vie privée au point qu'il a fait appel à un avocat.
??A noter qu'Oublier Modiano fait partie de la sélection du Renaudot dans la catégorie « essai » ; également présent dans les coups de cœur de la Fnac.
Lebey, Marie. - Oublier Modiano. - L. Scheer. - 145 p. - 17 €

Les souvenirs, c'est un peu comme une photo de classe… Cette photo, c'est celle de Romain, ancien combattant de la guerre d'Algérie, jeune déraciné de l'Histoire, qui hante le pavé parisien sans pouvoir renouer le fil de la vie. Passant à côté de mai 68 et de sa destinée, blessé à l'âme, il erre, partagé entre la France et l'Algérie, dans le Paris des souvenirs disparus : promenade littéraire et émouvante !
Invitation au voyage, à la flânerie, au propre comme au figuré. 122 pages de pur bonheur composées par un acteur, chanteur et musicien de renom. L'inoubliable interprète sur petit écran de Nestor Burma (qui avait plu à feu Léo Malet) replonge dans ses propres souvenirs, au gré de ses balades et de ses rencontres. La magie du désert est soudain à la portée de tous. Paris s'éclaire brusquement d'un éclat saharien… Cette beauté cache les blessures béantes, les horreurs guerrières, les injustices du système colonial…
Magnifique balade dans l'espace et le temps, poésie de la marche et des paysages, émotion des rencontres et des auteurs du patrimoine culturel classé au panthéon personnel de Guy "marchant"…
Lorsque j'entamais la lecture de ce recueil, l'auteur participait à une émission radiophonique d'été (mais de qualité) : il y évoquait ses souvenirs à l'aide de cartes routières. L'Algérie l'a fasciné, le désert l'a marqué… Romain, c'est un peu lui…
Marchand, Guy. - Le soleil des enfants perdus. - Les arènes. - 122 p. - 12 €

11 mars 2004, Madrid. Vladimir, écrivain raté devenu correcteur, livre ses impressions sur les attentats qui viennent de se produire. Réactions des proches, des Espagnols et du gouvernement sont toutes passées au crible. Mais c’est également l’occasion pour Vladimir de s’interroger sur son propre comportement face à la catastrophe, et de faire le bilan des années passées et de ses projets à venir.
Entre récit d’un drame national et questionnement identitaire, ce roman mêle le collectif et l’intime, l’Histoire et le quotidien, avec humour et sincérité.
Menendez-Salmon, Ricardo (1971-….). - Le correcteur. - J. Chambon. - Traduit de l'espagnol. - 171 p. - 16 €

Depuis plusieurs années, Frank présente les informations sur une chaîne de télévision locale, à Birmingham. Un jour, le cas d’un vieil homme retrouvé mort chez lui le touche. Il décide de chercher à en savoir plus sur cet homme, ne serait-ce que pour trouver une personne susceptible d’assister à son enterrement.
Il a succédé à Phil, qui a été écrasé par une voiture, durant son jogging dans une rue déserte. Ce dernier se fournissait en blagues auprès d’un vieux copain, clodo. Les deux événements ont un lien.
Sur fond d’enquête, l’auteur construit un roman sur le temps qui passe et qui efface les traces du passé.
A travers son héros, l’auteur évoque la peur du futur, du vieillissement, les transformations et les traces laissées par chacun. Les unes renvoyant aux autres. Un roman très agréable à lire, des personnages que l'on a du mal à quitter, des scènes assez comiques, notamment celles sur les coulisses d'une émission régionale ringarde.
En Angleterre, son premier roman a été primé à de nombreuses reprises.
Je ne comprends pas que l’éditeur n’ait pas été fidèle au titre original « The news where you are », qui correspond au sujet du livre, alors que San Francisco est le nom d’une œuvre, projet immobilier utopique, restée secrète, du père et n’est cité qu’une fois dans les 389 pages !
O’Flynn, Catherine. - San Francisco. - J. Chambon. - Traduit de l’anglais. - 389 p. - 23 €

Deux sœurs de caractères diamétralement opposés échangent lettres et coups de téléphone.
Mme Orban qui vit en Hongrie, est une femme coléreuse et irascible. Par hasard, elle retrouve une femme connue dans sa jeunesse dans un abri lors de bombardements. Quand elle voit son amie, soignée et apprêtée, elle se rend compte qu’elle est négligée, et qu’à 60 ans, on peut être jolie et attirante. Elle se teint les cheveux et porte des robes envoyées par sa sœur Giza. Elle réalise qu’elle est amoureuse, depuis l’enfance, d’un chanteur d’opéra, qu’elle reçoit à dîner tous les jeudis soir depuis des années.
Giza vit à Munich chez son fils dans l’opulence. Depuis un accident, elle est handicapée. Elle est calme, c’est la voix de la raison.
Orkeny, dans ce petit roman, écrit une ode à la vie et la jeunesse d’esprit. Il n’est jamais trop tard pour faire des rencontres, faire des folies, se faire avoir et bien sûr tomber amoureux. Contrairement aux idées reçues vieillesse et sagesse ne riment pas toujours.
C’est drôle, burlesque et émouvant.
Orkeny, Istvan. - Le chat et la souris. - Cambourakis. - Traduit du hongrois. - 136 p. - 10 €

Petites nouvelles sur le quotidien de la guerre d'Espagne, de l'après-guerre, de la vie des réfugiés en France… Des tranches de vie et de mort, des petites touches d'humanité et d'humour…
Héritier de réfugiés fuyant la guerre d'Espagne, Serge Pey enseigne à l'Université du Mirail. Voyageur impénitent, poète et plasticien, il nous livre ce recueil de nouvelles belles et cruelles, telle qu'est la vie. C'est un régal !
Ecrivain sensible et talentueux, il nous offre généreusement ces chroniques, de L'assassinat au Banc… Une de mes préférées : Le cinéma.
Pey, Serge. - Le trésor de la guerre d'Espagne. - Zulma. - 170 p. - 17 €

Romancier né dans le nord de la France, professeur de latin et de grec, Hervé Picart se muait le soir venu en rock critic. La cinquantaine venue, c’est en créateur de mystères et d’énigmes qu’il se transforme.
Cinquième enquête de l'antiquaire belge Frans Bogaert à Bruges.
Lauren, l'assistante de l'antiquaire, lui rapporte des Etats-Unis une curieuse lampe à pétrole provenant de la ville de Providence. Frans Bogaert cherche aussitôt à en comprendre le fonctionnement. La lampe n'éclaire pas, mais sert à hypnotiser ; en l'allumant, l'antiquaire plonge dans des tranches de vie de ses utilisateurs passés. Quel est le lien entre les différentes personnes, dont il vit des épisodes par procuration ?
Parallèlement, Mr Ridgeway, un magnétiseur américain du XIXe siècle, est retrouvé mort de façon peu naturelle. C'est un disciple de Mesmer, qui a attiré Poe.
Ces énigmes nous emmènent donc à la fois en Belgique et aux Etats-Unis, de nos jours et sur les traces de l'écrivain et des fantômes.
A noter la très jolie présentation.
Picart, Hervé. - La lampe de providence. - Série : L'arcamonde, vol. 5. - Le castor astral. - 223 p. - 15 €

L’histoire se déroule en Iran à la limite du Koweït, avant la guerre du Golfe, dans une communauté arménienne de classe moyenne. Clarisse, la narratrice atteint le burn-out de la mère de famille submergée. Elle ne craque pas, mais endure en elle-même. Sa vie n’est pas un enfer, mais lourde de responsabilités et de taches, avec une mère, « mama arménienne », une sœur en quête de mari, un mari, bourru et souvent absent, des enfants turbulents dont deux jumelles adorables, et de bons amis qui s’invitent tout le temps. C’est une femme à l’écoute et au service des autres, et tous les soirs, elle éteint la lumière après avoir raconté un conte à ses filles. Elle a une vie intérieure très riche et un grand sens du devoir.
Tout se fissure quand s‘installent de nouveaux voisins en face. Une grand-mère, à la fois sèche et touchante, une fillette pas facile, et son père un peu falot en quête d’un amour.
Rien n’est dit, tout est suggéré. Le trouble amoureux de Clarisse est évoqué en parlant des péripéties d’un pot de fleurs, son bouleversement intérieur à travers une invasion de sauterelles (nous sommes aux portes du désert).
C’est une histoire en fait assez simple, mais le climat, les détails quotidiens, le déroulement des pensées et des actes des différents personnages lus par le prisme de la narratrice sont très intéressants. Ce n’est pas une Emma Bovary, ni une héroïne de Tchékhov, peut-être une Mrs Dalloway, qui, comme dans The hours (film et livre de Cunningham, inspiré de Virginia Woolf) a besoin d’une pause dans son existence. Avec humour et finesse, l’auteur nous fait partager cette tranche de vie.
La vie dans cette petite communauté arménienne, en plein cœur du monde arabe, est également un intérêt du livre.
Pirzad, Zoyâ. - C'est moi qui éteins les lumières. - Zulma. - Traduit du persan (Iran). - 349 p. - 20 €

La famille de Desdémona, dite Mona, 18 ans, va très mal : sa mère est brusquement partie en Asie, sans raison valable et ne donne que des bribes de nouvelles. Les rôles de chacun se sont déplacés, et la famille est en train de voler en éclats.
Le frère, Jules, 7 ans, entre dans un « autisme » personnel, et prépare, à l’intérieur de l’appartement, la venue du bébé éléphant que sa mère lui ramènera. Pieuse consolation suggérée par Mona. En classe, il est devenu une catastrophe. Le père se met à vivre une adolescence attardée, désordre, copines, pas d’horaires, d’autant plus que son métier est photographe. Il se lance dans « une œuvre ». Il entre dans le projet de son fils et ramène de la paille à la maison…
Mona reste lucide et nous livre, dans une très longue lettre à sa mère, son journal. Ses réflexions sont celles d’une jeune fille lucide et mûre, teintées d’humour. Elle observe sa famille et ses amis ados : leur besoin de « glander  comme des manchots sur la banquise » ! Elle analyse sa vie familiale passée et présente, et note les principes envolés de sa mère.
D’autres personnages interviennent de façon marginale, et chacun est présenté avec une densité psychologique intéressante, particulièrement le vieux copain musicien et la rencontre avec Roberto. L’intermède est intéressant car Mona ne cède pas à son charme, raisonnablement pour son équilibre.
La chute est brutale, rapide, cinq mois plus tard.
C’est un premier roman, bien plein pour ses 170 pages, solide, un peu loufoque, bien écrit et rythmé et à conseiller aux adolescents.
Riol, Raphaëlle. - Comme elle vient. - Le Rouergue, La Brune. - 172 p. - 17 €

Ce livre nous propose onze nouvelles, et chacune d'entre elles nous brosse l'itinéraire d'une femme qui vient d'avoir 50 ans.
Toutes ces femmes sont indiennes. Leur âge, la cinquantaine est une renaissance. Femmes de maisons, génitrices, elles étouffent et se rebellent.
Il y en a pour tous les goûts. Dans la première nouvelle la femme a des hallucinations. Dans la seconde, l'épouse morte parle d'outre-tombe et découvre finalement qu'elle manque à son mari. Celui-ci passe ses journées à pleurer ; il pleure sa mort.
Il y a aussi la femme obsédée par ses rides, et celle qui découvre que son mari va en Thaïlande pour la prostitution.
Chacune se libère d'une certaine manière, comme si cet âge était un commencement.
Le livre donne aussi une vision des conditions de vie en Inde, des us et coutumes avec un nombre important de petits détails de la vie courante expliqué par un lexique à la fin du livre.
Sharma, Bulbul. - Maintenant que j'ai 50 ans. - Picquier. - Traduit de l'anglais (Inde). - 208 p. - 17 €

Faire du naturisme en Corse peut s'avérer dangereux, voire mortel ! Un mystérieux assassin frappe cette population estivale. Mieux : avant de tuer, le criminel prévient Carole Landois, adjudant-chef à la gendarmerie de l'Ile Rousse. Bientôt, s'engage une course poursuite entre les gendarmes et le serial killer…
Un petit roman policier agréable et léger, ce qu'il faut aux Parisiens épuisés, qui ne partent pas en vacances. Une intrigue assez simple, de magnifiques paysages de l'île de Beauté, un brin de suspense et un soupçon de folie…
Malgré tout, c'est loin d'être un chef-d'œuvre, le mystère semble facile à élucider… L'auteur se met également en scène ("l'écrivain qui boit son pastis à la terrasse du café"). Ah ! que c'est rigolo ! C'est un amoureux de la Corse du nord où il réside, et cela se sent à chaque page. Enseignant, il arbitre aussi les tournois internationaux de bridge, et écrit des romans dont le dernier Agriate se situait déjà en Corse.
Talbi, Rémi. - Piège mortel à l'Ile rousse. - Coëtquen. - 198 p. - 18 €

Les Galiciens sont taiseux de nature : personne ne parle beaucoup à l'inspecteur étranger Estevez, adjoint de l'inspecteur Caldas. Alors, quand un pêcheur local se noie avec les mains attachées dans le dos, l'enquête s'annonce délicate… Sale pays !
Galicien de Vigo, Domingo Villar aime sa province, et invite le lecteur à en faire autant. Ses personnages sont carrés, l'étranger de la ville au franc parler, le taiseux Galicien à l'intuition qui fait mouche. Le roman transporte le lecteur dans les odeurs de poissons. L'écriture est faussement nonchalante, l'intrigue construite avec l'aide de Machiavel. Tout fait de ce polar un best-seller de qualité, dont les droits ont été achetés par des producteurs. Normal, c'est génial !
Villar, Domingo. - La plage des noyés. - L. Lévi. - 382 p. - 20 €

Cinq personnages se relaient dans ce récit pour nous dépeindre un Iran en pleine mutation.
Akbar, le patriarche, échange son bébé mort-né avec l’enfant, né le même jour des amours de son frère et d’une tzigane.
Khodadad est choyé. C’est un garçon curieux épris de liberté. Il veut découvrir le monde hors de ce village traditionaliste et étouffant. Il entraîne son cousin Reza. Ensemble, ils s’enfuient pour partir à la ville.
Donya est une petite fille traitée comme une esclave par sa belle-mère. Amoureuse d’un autre, elle sera mariée de force à Reza. Ensemble ils auront une fille Mahtab, pour laquelle ils rêvent d’une vie libre et heureuse.
Mahtab fait des études de médecine et rencontre un étudiant en droit avec lequel elle vit une histoire d’amour. Pourtant, le régime et ses Gardiens de la révolution auront raison de son envie de vivre libre
Laleh, sur son lit d’hôpital, revit son amour pour Reza. Elle s’est toujours effacée pour laisser la place libre à son épouse. Femme libérée, elle aide à l’inhumation des femmes répudiées.
Récit bien construit autour d’un personnage central qui est Reza. Une vision de l’Iran qui en montre toutes les ambiguïtés.
Ziarati, Hamid. - Le mécanicien des roses. - T. Magnier. - Traduit de l'italien (Iran). - 365 p. - 20 €