Commission Petits éditeurs de janvier 2025

Commission Petits éditeurs BiB92 - Sélection janvier 2025

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L’histoire nous transporte à Yaoundé, où Boussoura et Seini mènent une vie heureuse depuis plus de vingt ans. Lui est médecin, elle, enseigne la littérature. Ensemble, ils forment une famille unie et vivent paisiblement entourés de leurs enfants. Cependant, cet équilibre est bouleversé lorsque Seini est appelé à régner et devient lamido, un chef traditionnel. Désormais investi de cette nouvelle fonction, il s’engage à suivre rigoureusement les coutumes de ses prédécesseurs, ce qui met leur relation à rude épreuve. Ce roman dresse le portrait d’un couple face à la polygamie. Il explore leur lutte contre les contraintes imposées par les coutumes. C’est aussi une radioscopie d’un couple en crise qui décortique avec précision la place des femmes dans ce système patriarcal. L’autrice met en lumière les sacrifices et les injustices que subissent les femmes. À travers une description poignante des conditions de vie des femmes au Cameroun et en Afrique subsaharienne, elle montre leur courage et leur quête d’émancipation. En abordant les tabous autour de la polygamie, l’autrice invite ses lecteurs à réfléchir.
Amadou Amal, Djaïli. - Le harem du roi. - E. Collas. - 299 p. - 22 €

Ce roman historique est le début de la vie d’Almah, l’héroïne de la saga Les déracinés. Découvrez sa jeunesse à Vienne de 1911 à 1932. L’auteure nous emporte dans les tourments de l'Histoire, tout en nous livrant le portrait d'une jeune femme indépendante. Julius et Hannah sont comblés par la naissance d’Almah. Dans cette famille juive dont le père est médecin et la mère ancienne musicienne, on découvre à travers les yeux d’Almah les beautés de la ville. Alors que la société viennoise est en constant changement, la petite fille grandit et devient une jeune femme déterminée, moderne et libre ; traversant la vie avec ses joies et ses peines, ses doutes et ses certitudes, ses amis, quand l'Autriche est dans la tourmente, l'antisémitisme omniprésent. Vienne vit dans une tension palpable, où les familles bourgeoises peuvent encore profiter de sorties culturelles. On parle de Freud, de musique, des cafés typiques... La jeune fille pourra compter sur des amitiés indéfectibles, notamment celle de Matilda. Ses parents font tout pour la protéger, ils souhaitent s'exiler avant qu'il ne soit trop tard. A travers ses personnages, l'auteure distille l'amour, l'amitié, mais aussi le racisme et la haine. De sa naissance dorée avant la Première Guerre mondiale à la montée du nazisme, on suit l'ascension de cette héroïne au caractère bien trempé. Avec une écriture toujours aussi sensible et fluide, nous parcourons ces années de jeunesse privilégiée. Catherine Bardon nous emporte avec cet émouvant portrait de femme.
Bardon, Catherine. - Almah, une jeunesse viennoise. - Les Escales. - 185 p. - 20 €

4eme vol de la série Bienvenue à l’hôtel Savoy ! Dans le Londres des années 60, nous retrouvons Priscilla Tempest, l’attachée de presse du prestigieux Hotel Savoy, où se côtoient les stars et la haute société. Orson Welles a décidé d'organiser un dîner au Palace. Parmi les invités, de nombreuses célébrités comme Cary Grant, Alfred Hitchcock, Lord Mountbatten... Cependant, une rumeur circule : si un groupe de treize personnes dîne au Savoy, la première personne à quitter la table trouvera la mort ! Pour les invités, c'est juste une rumeur. Pourtant, le lendemain, Lady Anne est retrouvée morte : la malédiction semble avoir frappé ; tout porte à croire que le palace est maudit. Priscilla, souvent accusée de charmer la moitié des hommes, se retrouve soupçonnée de meurtre ! Elle doit enquêter et démêler une ténébreuse affaire mêlant complot, chantage, malédiction, meurtres, arnaques. Ajoutez la présence de la reine d'Angleterre, une médium excentrique et quelques personnes peu recommandables.... Priscilla se trouve régulièrement dans des situations périlleuses, là où elle ne devrait pas être, elle enquête dans la plus grande discrétion et défend toujours la réputation de l'Hôtel. Une mention spéciale pour Kaspar, une statue de chat datant de 1927, antidote censée détourner la malédiction des treize convives en représentant le quatorzième invité. (www.thesavoylondon.com/kaspar-the-famous-savoy-cat). Une enquête aussi distrayante que palpitante, l'héroïne est pétillante et les péripéties s'enchainent. Une série addictive qui mêle humour, suspense et meurtres dans un lieu prestigieux ! L'autrice canadienne P. Emery étant décédée, ce tome clôture la série de ce cosy mystery.
Base, Ron /Emery, Prudence. - Diner à treize. - La Martinière. - Traduit de l’anglais. - 371 p. - 17 €

Biographie romancée du collectionneur néerlandais et historien de l'art, Frits Lugt et de sa femme Jacoba. Leur destin hors du commun, habité par le beau et le rare, nous emporte des Pays-Bas à la France, en passant par la Suisse et les États-Unis où ils se réfugient en 1941, tandis que leur collection est spoliée par les nazis. La vie artistique et familiale du couple est racontée à travers le regard d’un de leurs cinq enfants, le seul à avoir la même sensibilité artistique que son père, mais malheureusement gravement malade. A sa mort, il continue à relater l’histoire familiale, mais plus rien ne sera jamais pareil. C’est l’originalité de ce récit qui m’a particulièrement touchée, ainsi que l’amour que se voue ce couple lié par une passion commune pour l’Art.Il existe à Paris, la Fondation Custodia qui veille depuis 1956 sur la collection d’art ancien, dite « Collection Frits Lugt », parmi laquelle d'innombrables dessins et gravures des maîtres hollandais du XVIIe siècle (pour découvrir cette immense collection : https://collectiononline.fondationcustodia.fr).
Dekker, Alice. - La collection. - Arléa,1er mille. - 162 p. - 19 €

Roman noir, aux personnages volontairement peu sympathiques. Deux jeunes passent leur temps à fumer et boire des bières sur un parking et un riche médecin que sa femme a quitté rentre de l’hôpital. Le roman ne tient que sur une seule soirée, qui s’étire en longueur jusqu’au point final. Les longues phrases, emplies de digressions et pauvres en ponctuation ; les descriptions de la nature, en particulier du bois qui entoure la propriété du médecin, relèvent de la poésie. Les paragraphes s’allongent progressivement. La narration alterne entre les jeunes et le médecin, de manière cinématographique, comme pour dérouler deux scènes en simultané. Dans la seconde partie, les deux scènes se rejoignent… L’auteur joue sur l’entre-deux spatio-temporel : en ce soir de 21 juin, l’école se termine et les vacances commencent ; les lieux, le parking d’un centre commercial et un petit bois champêtre évoquent la frontière floue entre ville et campagne. Il choisit des non-lieux, traduisant l’ennui abyssal des protagonistes, qui le trompent en buvant. La confrontation brutale entre ces deux milieux sociaux met en évidence la brutalité du monde contemporain et des relations humaines. L’auteur dresse une satire de la société de consommation, qui enfonce les personnages dans la vacuité d’une vie que l’argent et le luxe ne parviennent pas à combler. Mythologie du .12 est l’histoire d’une violence qui surgit brusquement, comme surréaliste, dans des existences à la dérive. Prix Wepler et Stanislas.
De Meeus, Célestin. - Mythologie du .12. - Sous-sol. - 144 p. - 17,50 €

Anthony est agent de tueurs à gages. Sa commission de 10% lui permet de vivre dans les beaux quartiers avec ses deux chiens. Tout dérape quand un caïd lui propose un contrat juteux. Il missionne son tueur le plus expérimenté, mais c’est Alba, ancienne championne de biathlon, qui récupère le contrat. Au moment de tuer sa cible, elle reconnait à ses côtés le frère du caïd, qui l’avait injuriée, et décide de faire d’une pierre deux coups… Résultat, c’est Anthony qui devient l’homme à abattre : il lui faut une planque, et vite ! Le "séjour de déconnexion" sera le camping de Vierzon, partagé avec une vieille dame rebelle qui, elle, veut échapper à l’Ehpad. Un séjour mouvementé qui marquera un tournant dans leur vie. Des chapitres courts où on sent que l'auteure s'est amusée à bâtir cette histoire (par ex ce duo improbable entre un tueur et une vieille femme) où l'on attend les quiproquos. Seul problème, ce roman est beaucoup trop court !!!
Dietrich, Pascale. - L’agent. - L. Lévi. - 188 p. - 18 €

Ce premier roman est un véritable petit bijou de littérature et de poésie. Écrit en vers libres, le récit de cette famille dysfonctionnelle, vue à travers le regard de la cadette, saisit le lecteur dès les premiers mots par son phrasé envoûtant. On se laisse porter par le rythme singulier du texte, qui résonne profondément à l'intérieur et qui ne demande qu'à libérer sa parole par une lecture à voix haute. Tout comme cette maison/prison qui semble prendre vie au fil des pages, témoin silencieux de l'horreur ordinaire, le texte s'anime, impose son rythme et sa voix par sa typographie changeante. Le cri de détresse qui s'échappe de la narratrice pour raconter son enfance volée est à la fois d'une infinie beauté, mais révèle aussi une infinie douleur qui m'a, bien souvent, bouleversée. Dans ce huis clos, où la vérité peine à frapper à la porte, la tension est palpable, l'éclatement jamais très loin. Du haut de ses 26 ans, je suis subjuguée par le talent d'Alix Lerasle et l'intensité qu'elle a su mettre dans son texte. Le ton est juste et la forme originale. Coup de cœur absolu.
Lerasle, Alix. - Du verre entre les doigts. - Le Castor astral. - 240 p. - 21€

Le personnage principal, aussi narratrice, concierge d’un lycée à Rome, tombe brusquement amoureuse. Lorsqu’elle aperçoit pour la première fois Matteo, le jeune prof de lettres, elle sait que sa vie ne dépendra plus que de cet amour. Par son métier, elle a un poste d’observation idéal pour veiller sur ses allées et venues et glaner des informations. Elle passe inaperçue et les professeurs l’ignorent. Matteo est non seulement professeur, mais aussi écrivain. Un écrivain d’abord reconnu et adulé, puis critiqué et rejeté. Le livre, en « si peu » de pages, retrace environ 40 ans de cette vie. Matteo se mariera, aura des enfants, divorcera… La concierge, dont le lecteur ne saura jamais le nom, garde secret cet amour qui la dévore. A travers cette histoire d’amour impossible, l’auteur met en scène l’écart social et intellectuel qui sépare les deux personnages, qui se croisent, mais ne peuvent se rencontrer. Cet amour, qui tourne presque à l’obsession maladive, interroge le lecteur sur cette étrange narratrice qui dédie sa vie à un homme, tout en restant dans l’ombre. Un autre personnage épisodique apparait, un nain de cirque, une créature qu’on dirait sortie d’un film de Fellini, qui tente de la convaincre en vain que sa quête est absurde. Le lecteur se demande aussi si M. Lodoli n’a pas mis quelque chose de lui-même dans son personnage.
Lodoli, Marco. - Si peu. - POL. - 141 p. - 18 €

En 1988, Arnaud reçoit sa copie avec 1/10. Il décide d’opérer une « infime retouche » et se met 10/10 ! Il s’aperçoit qu’on peut arriver à ses fins en arrangeant la réalité, ainsi débute sa carrière d’imposteur. « Le jour où Arnaud est devenu faussaire, il avait sept ans. ». En 2007, Arnaud Daguerre décroche un poste au Miroir, le plus jeune journaliste embauché, pour produire des reportages pour le site web. C'est le début d'une carrière à succès, tant ses articles sont appréciés, ce qui lui vaut de décrocher le prestigieux prix Albert Londres. Son entourage croit que c'est un reporter doué alors que sa vie repose sur une imposture. Malgré « ce fameux malaise qui accompagne sa vie » (p 48), il fait croire qu’il est à la hauteur. « Devenu le chouchou des internautes, il dore le blason du site avec ses reportages enlevés, parvenant toujours, dieu sait comment à dénicher les bons interlocuteurs, trouver les infos et les détails qui font mouche. On a même peine à croire que de ce garçon si sage, presque effacé, puisse jaillir un travail aussi percutant. » (p. 60) Le journaliste est censé ne rapporter que des faits vérifiables, même avec un talent pour l’écriture qui fait lire ses articles comme des romans. « Arnaud tient entre ses doigts ce pouvoir vertigineux : celui de transformer le réel, de créer des vérités parallèles. » (p. 183). Mais le journalisme n'est pas un choix judicieux pour ce jeune homme à la timidité maladive. Il fait des « enquêtes passives », sans aborder les gens. Ses reportages s'appuient sur une riche documentation, mais il ne va jamais dans les lieux décrits, enjolive la réalité, invente des personnages... Il continue pendant des années, hanté par sa mauvaise conscience et l’angoisse d'être démasqué…Certains de ses collègues ont des doutes sur Arnaud. Sera-t-il démasqué ou parviendra-t-à échapper aux poursuites ? L’autrice dépeint un homme timide qui s'efforce de répondre au mieux à ce qu'on attend de lui, même s'il a conscience de son imposture. Le sujet est original, mais cela aurait mérité plus de profondeur.
Mangez, Marie. - Les vérités parallèles. - Finitude. - 253 p. - 20 €

Au milieu des années 1980, Ava, Afro-Américaine d'une quarantaine d'années chassée par son mari, s'installe avec son fils Toussaint dans un centre d'hébergement à Philadelphie. Originaire d'un petit village d'Alabama, elle a rompu tout contact avec les siens. Aussi, quand le père du garçon réapparaît, elle retombe sous son emprise tandis qu'un puissant atavisme pousse Toussaint vers le Sud. Roman “coup de poing “ et engagé contre la misère et le racisme, l’auteure nous présente trois personnages (la grand-mère, son petit-fils et sa fille) souvent en fuite et qui luttent pour retrouver leurs biens spoliés par l’état. La recherche des racines familiales, l’image du père disparu et/ou admiré sont les principaux thèmes de ce roman qui nous tient en haleine jusqu’à la fin. Souvent sombre, les dernières pages offrent l’espoir d’un avenir meilleur pour Toussaint, le plus jeune des personnages.
Mathis, Ayana. - Les égarés. - Gallmeister. - Traduit de l’américain. - 496 p. - 26 €

Les affaires les plus difficiles sont toujours les plus banales. La réponse est là où on l'attend le moins, dissimulée sous un voile de banalité. C'est au sein d'une petite librairie de Cagliari, spécialisée dans le polar, que nous découvrons différents protagonistes : Marzio, propriétaire de ladite librairie, son assistante Patricia et les membres du club de lecture "les enquêteurs du mardi". Sous les yeux couleur d'ambre de Miss Marple et Poirot, les deux chats ayant élu domicile dans la librairie, cette petite communauté prête main-forte aux policiers afin d'élucider une affaire pour le moins étrange, "L'affaire du tueur au sablier" : toujours sous le même mode opératoire, celui-ci s'introduit chez ses victimes et après les avoir ligotées, leur propose un terrible dilemme : une fois le sablier retourné, ils ont une minute pour désigner lequel de leurs proches sera exécuté... J’ai apprécié l'ambiance de ce roman, la présence des deux chats noirs dans cette librairie avec son club de lecture et ses personnages attachants. Entre humour et crimes sordides, l'auteur rend hommage à la littérature policière : Edgard Allan Poe, Donato Carrisi, Peter Swanson, Agatha Christie, Georges Simenon... autant de clins d'œil et de références qui ouvrent le chemin vers d'autres lectures…Coup de cœur d’Hélène et du libraire.
Pulixi, Piergiorgio. - La librairie des chats noirs. - Gallmeister. - Traduit de l’italien. - 280 p. - 23 €

Ce récit autobiographique où la nature norvégienne tient un rôle central peint les relations passionnelles et contrastées d’un père avec sa terre natale et son fils. Ce père, haut en couleurs, toujours dans l’excès, sombrera, victime de ses multiples addictions et d’une violence toujours latente envers les autres et lui-même. Déshérité en raison de ses frasques et de son instabilité, il sera à jamais meurtri de cette spoliation qui impactera de fait son fils. Rejeté de tous, précocement clochardisé, son destin tragique donne le ton de cette œuvre. Avant sa chute il initiera, avec parfois un certain sadisme, son fils profondément attaché à ce père autodestructeur à l’amour de cette nature sauvage et généreuse. L’écriture est surprenante, quasi poétique, le récit non linéaire évolue par réminiscences, illustrant la sensibilité écorchée vive de l’auteur.
Ramslie, Lars. - Une montagne, un fusil, un lac. - Paulsen. - Traduit du norvégien. - 212 p. - 19 €

« On t’a tranché la main, On t’a retiré de la chair, de l’os, des nerfs et des tendons mais il n’y a rien à la place. Non, il n’y a pas rien : il y a l’empreinte de ta main perdue et de ta vie foutue, un faux vide dans lequel tes douleurs d’enfance sont venues se loger. Voilà que tu trimballes au bout de ton moignon une main d’un autre genre, fantôme, une saloperie soudée à toi ad vitam. » En exactement 50 ans d’existence, Henri Dawnson aura tout vu : la galère, les petites joies, le deuil, l’amour, la gloire et sa chute. Il a joué de la trompette d’un bout à l’autre de l’Atlantique. Désormais privé d’une main, il a perdu sa raison de vivre. En route pour sa dernière folie, il se remémore, non sans acidité, les événements qui ont jalonnés sa vie. Ce texte est déroutant d’entrée de jeu : entièrement narré à la deuxième personne, on pourrait croire que le procédé serait pénible, mais pas du tout. On passe en revue les moments de la vie de cet homme torturé : les phrases sont courtes, avec quelques expressions en anglais. C’est très oral, fluide et piquant, et quelque peu poétique sur la fin. Le premier roman de l’autrice, Berline, jouait apparemment sur le même concept (un mineur piégé sous dans les éboulements qui se remémore sa vie). En tout cas celui-ci est une vraie réussite !
Righi, Céline. - Les choses de la nuit. - Le Sonneur. - 152 p. - 17 €

Patrick Straumann fait le portrait de son grand-oncle, Paul (1905-1995), d’origine juive-allemande, de son enfance à sa mort et son enterrement. Cet « homme en mouvement » a laissé peu de traces. L’auteur semble fasciné par le mystère qui entoure son existence. C’est surtout la correspondance qu’il entretenait avec son frère, Tadzik, Tadeusz Reichstein, prix Nobel de physique en 1950, installé à Bâle, qui lui a permis de retracer son itinéraire et les aléas de sa vie mouvementée. En effet, cet homme a beaucoup voyagé à travers le monde : Suisse, Russie, Géorgie, États-Unis, Chili…, personnifiant la figure du « juif errant » dans l’imaginaire collectif. L’auteur prend le parti d’écrire un roman dénué de toute sensibilité, qui se veut neutre et factuel. Cela peut rendre la lecture assez ardue. Il comble les vides laissés par le manque d’archives et d’informations en relatant les événements historiques de l’époque. C’est le récit du parcours hors norme d’un homme anonyme à travers le XXe siècle.
Straumann, Patrick. - L'homme en mouvement. - Chandeigne. - 140 p. - 18 €

« Je reconnais la voix de Papa. Surprise, je soulève le pan de tissu de ma robe qui me cache la vue. C’est bien le bout de ses chaussures, c’est bien son ton impatient. (…) »
« Ana va arriver.
Non, non. Le programme a changé. Maman la prend à l’école et on se retrouve tous chez Léon. Viens !
Je saisis sa main, elle est moite. » Ainsi commence pour Ilaria, à la sortie de son école, une longue errance en Italie, de petits hôtels en aires d’autoroute, nous allons la suivre et très vite comprendre que quelque chose ne va pas… C’est dans le contexte d’une situation familiale complexe et émotionnellement violente que cette petite fille est prise en otage par son père. À travers cette enfant, d’une lucidité déconcertante pour son âge, nous vivons ce drame et explorons ses pensées et ses sentiments mêlés de confusion et de résistance. Peu à peu, face à ce père imprévisible à la fois tendre et terrifiant, on la sent s’enfermer dans une relation étouffante, oscillant entre amour et manipulation. L’écriture fragmentée, reflète habilement la confusion et la désorientation d’Ilaria. J’ai trouvé que les passages en italien, bien que poétiques, cassent un peu le rythme mais ajoutent, peut-être, une dimension culturelle qui ancrent les personnages dans leur identité. Ce court récit poignant et puissant sur les liens familiaux incite à réfléchir sur la frontière parfois ténue entre amour et contrôle. La voix d’Ilaria, candide et clairvoyante à la fois résonnera longtemps dans ma mémoire… Prix Fémina des lycéens 2024.
Zalapi, Gabriella. - Ilaria ou la conquête de la désobéissance. - Zoé. - Traduit de l’italien. - 174 p. - 17 €