Commission Petits éditeurs de juillet 2024

Commission Petits éditeurs BiB92 - Sélection été 2024

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Julien Aimé se penche sur le traumatisme subi par les enfants lors d'un divorce. Lucas et Manon sont abasourdis et désespérés : leurs parents se disputent sans arrêt. Manon supplie son frère de tout faire pour que leurs parents ne se séparent pas. Incompréhension, chagrin, colère. Même si Lucas a bientôt 16 ans, il est également bouleversé par le drame qui se joue. Comment en sont-ils arrivés là ? Comment faire pour réconcilier Nicolas et Aurélie, leur rendre le sourire ? Est-il possible de sauver ce couple ? Lucas pourra compter sur ses amis, les Trois mousquetaires, et sur le soutien indéfectible de Paulette, leur voisine, qui les a gardés enfants, qui sert un peu de grand-mère... Paulette a toujours de bons conseils et des tartes à déguster. Avec elle, il essaie plusieurs stratagèmes pour réunir ses parents. Elle aide les enfants à découvrir la vérité sur leurs parents. Lucas partage tout avec ses copains de toujours, mais quand il tombe secrètement amoureux d’Elsa, cela pourrait changer. Il constate que les relations entre adultes sont difficiles dans chaque famille, l’amour ne semble guère durable, toute la charge repose sur la femme et mère. Avec beaucoup de sensibilité et de justesse, l'auteur déroule un roman prenant. Les sentiments sont finement analysés ; la plume est fluide. Tous les sujets de l'adolescence sont abordés : études, amitiés, premiers émois. L’insertion des lettres et slams écrits par Lucas le timide qui n’arrive pas à communiquer ses ressentis et ses attentes autrement apportent une touche poétique. Le roman, empli de tendresse, malgré un couple qui se déchire, s’étale sur 12 jours, en courts chapitres. Il est plein de bienveillance et jamais mièvre. On passe un très bon moment. Hélas, j'avoue être déçue par la « faim » qui laisse un goût d’inachevé ! A conseiller à tout public.
Aime, Julien. - Je réveillerai les couleurs du bonheur. - L’Archipel, Instants suspendus. - 360 p. - 19 €

Dans la crique de Longo Maï, on part à la rencontre de Nine, jeune fille en quête d’indépendance, ainsi que de Cascade et de Coco. Le premier a été adopté par les gens du coin, mais on ne sait pas vraiment d’où il vient, ni de quoi est fait son passé, tandis que le second pêche dans le coin en reprenant le flambeau de son père. On suit ces enfants débrouillards et les adultes qui gravitent autour d’eux en découvrant l’atmosphère à part de la crique. Les traditions perdurent, les croyances émergent au gré des rencontrent et les éléments naturels, que ce soit la mer ou le vent, rythment le quotidien de chacun. Certains passages dégagent une très belle poésie, au plus près de la nature ou des sensations. Rémi Baille écrit un premier roman aux personnages attachants et complexes et qui s’apprêtent surtout à traverser un événement dramatique au cœur de cet été caniculaire.
Baille, Rémi. - Les enfants de la crique. - Le Bruit du monde. - 162 p. - 19 €

Fin des années 70, un grand frère, Lucas, Aurore et le petit Valentin sont choyés par leurs parents et grands-parents, mais la situation n'est pas idyllique : en effet, Lucas souffre depuis sa naissance d'une pathologie lourde qui le cloue littéralement au sol (on ne lira le mot handicap qu'à la fin du roman). Aurore est très protectrice, bienveillante, elle s'est imaginé que son grand frère guérirait à l’âge de 15 ans, mais il n'en sera rien hélas... C'est le monde de l'enfance avec son insouciance qui s'écroule au moment de la disparition du jeune homme. Aurore âgée de 13 va devoir apprendre à vivre sans ce frère tant aimé, à ne pas tomber dans le cratère du chagrin. La musique, les grands-parents l'aident à remonter vers la lumière, vers la vie. Elle découvre des secrets de famille, dont le plus important concerne la naissance de Lucas. Le récit est vrai, sans pathos, lumineux, à hauteur d'adolescente. Un livre aussi délicat que précieux.
Prix Closerie des Lilas
Butaux, Arièle. - Le cratère. - S. Wespieser. - 125 p. - 17 €

« Blast » : Lésions anatomiques provoquées par l’exposition de l’organisme aux effets d’une onde de choc résultant d’une explosion. Gregory est un jeune infirmier qui travaille pour le Comité international de la Croix rouge. Durant ses missions, de Sarajevo à Gaza, en passant par l’Afghanistan et la Colombie, ce courageux infirmier vient en aide aux plus défavorisés. Poussé par l’adrénaline et l’envie de sauver le monde, Grégory prend de plus en plus de risques, jusqu’à celui qui sera de trop… Dès les premières pages, on a la sensation que notre personnage est en grand danger, on ne sait pas pourquoi, ni où il se trouve, juste que ses jours sont comptés. Ces passages, écrits en italique, apparaissent à différents endroits afin de maintenir une certaine tension tout au long de la lecture. L’autrice, tout comme dans ses romans précédents, base l’essentiel de son récit sur un personnage qu’elle rend attachant. C’est avec inquiétude et appréhension que nous suivons notre héros dans un univers terrifiant, celui des conflits mondiaux. Certaines scènes sont particulièrement insoutenables, le côté sombre de l’être humain est disséqué et interroge sur ce que l’homme est capable de faire. Guerre, pauvreté, misère et cruauté sont les maîtres-mots de ce thriller aux allures de reportage de guerre qui a nécessité une longue enquête et beaucoup de travail de documentation, comme le précise Karine Giebel dans la partie « notes et remerciements ». On reste sur sa « fin »… qui n’en est pas vraiment une, puisque le tome 2 sort cet automne ! Cette fiction reste avant tout, un hommage à tous ceux qui risquent leur vie pour venir en aide aux plus démunis à travers le monde…
Giebel, Karine. - Et chaque fois mourir un peu (Blast, vol. 1). - Récamier. - 477 p. - 22 €

Lorsqu’on lui apprend le décès de l’une de ses anciennes élèves, Thomas est bouleversé : les circonstances lui rappellent la perte de sa mère, alors qu’il était encore très jeune. Plusieurs dizaines d’années se sont écoulées depuis, et si les éléments tendaient sérieusement à écarter la piste d’un meurtre, son père n’en a jamais démordu. Mentalement fragilisé, Thomas compte tout de même employer son temps de repos à mettre la lumière sur cette affaire : il va passer quelques semaines à Concarneau, replonger dans la Bretagne de son enfance. Les lieux ont bien changé, puisqu’il s’y est développé un petit éco-village où prospèrent une charmante communauté dans laquelle il va devoir s’intégrer. Le synopsis est sans doute un peu surprenant pour un roman feel good, mais l’on finira bien par retrouver les éléments qui font (je pense) son sel : une quête de reconstruction, des secrets de famille, une romance un peu guimauve… Pas très familier avec le genre, j’ai vraiment été happé par ce récit qui explore la résistance des liens face au deuil. Les dialogues m’ont paru un peu téléphonés, et les révélations finales assez farfelues -mais pourquoi pas, ça surprend. En tout cas, cette histoire réussit sans problème son objectif : nous faire sourire !
Giraud, Delphine. - Là où les souvenirs se révèlent. - Fleuve. - 328 p. - 20 €

Il faut une vie pour être libre. Le temps d'un été, Hélène revient s'occuper de son père. Chaque année, une laisse invisible la ramène au pays, dans ce coin perdu qui lui a donné son accent un peu rauque. Hélène s'est construit une autre vie à Paris, une vie réussie comme on dit, mais dans la maison du lac, elle redevient une petite fille obéissante. Rien n'a changé au village, ni les gens, ni cette pesanteur qui vous colle à la peau. Hélène n'est dupe de rien ni de personne, c'est une marque de fabrique chez elle... Pour Hélène la cinquantaine, c’est le dernier été passé au bord du lac dans la maison de son enfance en compagnie de son père. Les souvenirs ressurgissent avec beaucoup de nostalgie : les non-dits avec son frère, les regrets des amours inachevés, les retrouvailles avec les amis d’enfance. Ce joli roman sur la filiation et le temps qui passe est écrit avec sensibilité et délicatesse.
Gracia, Sylvie. - Nous n’étions pas des tendres. - L’iconoclaste. - 230 p. - 21 €

Joséphine, avec son bébé, est épuisée par les nuits entrecoupées de biberons, toutes les tâches à gérer seule et guère enrichissantes : faire les courses et aller chez le pédiatre. Elle n’arrive pas s'épanouir et ne pas être réduite au rôle de mère. Elle se sent perdue, seule, elle qui a parcouru le monde pour son travail, est enfermée à la maison. Mais cette naissance n'a pas changé l'emploi du temps de son mari ; après le travail, il fait du sport ou écrit des mails à sa sœur pour se défouler. Il s'imagine même que la maman a plein de temps libre ! Un fossé s'est creusé avec son mari et ils ont bien du mal à se comprendre. Joséphine se venge en lisant les mails de son mari ou rencontre ses amies depuis le lycée. Charlotte a trois enfants ; Prudence aimerait devenir mère. Elles sont à des phases différentes de leur vie, mais échangent sur leurs relations familiales, se confient sans masque et prennent une « bouffée d’oxygène » ensemble. Joséphine recroise Batiste, son premier amour, toujours aussi craquant... L’auteure aborde avec franchise et réalisme des sujets sensibles tels que la charge mentale, le post-partum, le baby-blues, la complexité des relations de couple, ou avec sa belle-mère.
L’histoire est plutôt superficielle et creuse, à l’image de la vie de ces mères ? Les chapitres sont courts et s’enchaînent, mais le style est très plat.
Grosjean, Marion. - Les fausses promesses des cigognes. - L’Archipel, Instants suspendus. - 394 p. - 20 €

En 1652, Céleste est tout juste orpheline qu’elle devient officiellement le bourreau de Paris, charge léguée par son père, au grand désespoir de son frère, qui s’estime lésé. Elle est toujours aussi amoureuse du surintendant Nicolas Fouquet qui semble partager ses sentiments, malgré leur différence de condition. Nous suivons la curieuse idylle entre Céleste et Fouquet. Lorsque Céleste rencontre le roi de la cour des Miracles, son existence bascule. Elle va devoir être d'autant plus vigilante pour préserver son secret. On passe de la misère de la cour des miracles à l'opulence du Louvre et des demeures des nobles. L'ensemble donne une suite bien rythmée, intéressante et à la fin, toutes nos questions restent en suspens : le mystère qui entoure la naissance de la jeune femme ne sera résolu qu’au prochain tome ! La fin du roman ne peut que nous inciter à connaître la suite des aventures de Céleste. Les descriptions permettent d'être vraiment immergé dans ce Paris du XVIIe siècle.
Knidler, Céline. - L'envolée (La fille du bourreau, vol 2). - Jeanne & Juliette. - 372 p. - 19 €

Un polar efficace, bien construit, où la tension monte et le suspense avec, même si l’on peut pressentir au fur et à mesure que l’intrigue se déploie des éléments dont on aura la certitude lors de la résolution finale. Quand l’histoire débute, Isak se trouve en prison. Et l’on ne découvrira pas exactement pourquoi avant la fin. Les courts chapitres dans lesquels il fait part, à la première personne, de ses sentiments, tant sa culpabilité que sa détresse et sa solitude, alternent avec des retours plus détaillés dans le passé. Tout commence le jour où son père, Fredrik Barzal, artiste reconnu, l’appelle après un silence de près de vingt ans. Il l’a en effet abandonné à ses six ans, lorsque la mère et la sœur d’Isak sont mortes dans un incendie, le laissant aux bons soins de son grand-père, qui l’a même adopté. Mais ce n’est pas tout. Isak mentionne aussi ses cauchemars, souvent en lien avec le traumatisme de l’incendie, ainsi que son enfance. Des scènes qui lui reviennent d’autant plus que son père, malade, souhaite renouer avec lui avant sa mort et est prêt à payer -cher- pour ces retrouvailles. Isak hésite. Madde, sa petite amie, le pousse à lui rendre visite dans sa demeure fastueuse du Gotland. Là, Fredrik affirme vouloir permettre à son fils d’exprimer sa véritable personnalité et non celle, fade, dans laquelle son grand-père l’aurait confiné. Voiture de luxe, alcool, sexe, drogues, tout est bon pour explorer ses limites et les faire exploser avec violence. Un jeu malsain de manipulation qui ne peut que finir mal. Âmes sensibles s’abstenir. On n’échappe pas à des descriptions éprouvantes, notamment quand on apprend comment s’est déroulé l’incendie.
Kvensler, Ulf. - Au nom du père. - La Martinière. - 448 p. - Traduit du suédois. - 22,50 €

Deux enquêtes, à deux périodes et endroits différents sont menées en parallèle, l'une par un flic groenlandais chargé de résoudre deux meurtres, l'autre, confiée à Tim Osterman, policier danois confronté à un cold case. A travers ces investigations, le roman met en lumière un scandale qui a ébranlé le Danemark dans les années 50 : les Scandinaves ont arraché des enfants inuits à leurs familles, censés former une nouvelle élite. Ce déracinement a marqué pour toujours le destin de ces enfants. Une très jeune accouchée inuite est retrouvée morte. Bjorn Westen, le responsable de la police trouve près d'elle un couteau ulu. La mystérieuse sage-femme itinérante s'occupe du bébé. Cette femme au sang-froid hors du commun est-elle une « fausse ombre, vraie coupable ? » (p 100) Est-elle responsable de la mort de Nina, égorgée après la délivrance, et de celle d’un vieillard immergé sous la banquise ? En même temps que ce récit, le lecteur suit les chapitres avec Elle, la femme métisse meurtrière. Les deux enquêtes finissent par converger, autour d'une sombre histoire d'acculturation et de colonialisme qui n’est pas sans rappeler celle des enfants de la Creuse. Le Groenland, ancienne colonie danoise, est au cœur de plusieurs romans de Mo Malo. L'intrigue est assez complexe, mais permet de découvrir les coutumes inuites. L'auteur nous offre un thriller documenté et dépaysant, glaçant de réalisme ! Mo Malo arrive à conjuguer l’intrigue policière, ses décors grandioses et les révélations historiques. Couvrez-vous et partez sur les traces de la mystérieuse Inuite !
Malo, Mo. - L'inuite. - La Martinière, Noir. - 407 p.- 22 €

Louise, 20 ans, est une brillante étudiante, doctorante en géographie. Sa mère disparaît alors qu’elle n’a que dix ans. Dévasté par ce deuil précoce, son père quitte l’Auvergne pour refaire sa vie à Concarneau, où il ouvre un restaurant. La fillette timide et rêveuse est attirée par une toute petite île au large, appelée l’île aux Moutons. « Pour Louise, c’était le refuge des enfants perdus et le bout du monde qui lui fallait acquérir ». Ce fantasme d’enfant solitaire prend corps dix ans plus tard. Pour les besoins de sa thèse, elle s’installe sur l’île, afin de suivre la nidification d’une colonie de sternes, assurer sa protection et jouer la guide naturaliste pour des touristes, pas toujours respectueux de cette nature fragile. On est au début des années 2000, elle ne possède pas de portable et doit attendre qu’on l’appelle sur un poste fixe. Ce que ne manque pas de faire chaque soir à 19h son directeur de thèse, François, inquiet pour cette jeune femme à la fois forte et fragile. Son père, auquel elle est très attachée, est moins assidu, trop pris par son travail. Louise est séduite par l’île et tisse avec ce territoire un lien quasi charnel. Dans ce premier roman, Anne Solange Muis peint avec beaucoup de sensibilité et de profondeur ce qui peut nous lier à un lieu, cette mystérieuse alchimie. Le lyrisme de l’écriture correspond bien à cette thématique. C’est l’aspect le plus réussi de ce récit.
Muis, Anne Solange. - Une île pour elle. - Phébus. - 190 p. - 19,50 €

Biographie romancée d’un destin hors du commun : celui d’Andrée Imbert, née en 1907, abandonnée à sa naissance. Devenue pupille de la nation, nous suivons son parcours ; tout d’abord, dans une première famille d’accueil dans la Drôme, où elle est aimée par les nombreux membres de la famille, même si celle-ci est pauvre. Le déchirement est grand lorsqu’elle doit la quitter. Dès lors sa passion pour la cuisine la sauvera. Elle n’aura de cesse d’apprendre, d’améliorer ses recettes dans les différentes cuisines qu’elle fréquente pour devenir une cuisinière renommée qui finira sa carrière en Amérique, en cuisinant pour la famille Kennedy. Elle rédige des carnets qui seront sa bible tout au long de sa vie. Parallèlement, des chapitres s’intercalent sur l’histoire de la famille Kennedy à laquelle l'histoire d’Andrée va être intimement liée, en devenant leur cuisinière attitrée, mais aussi la nounou des enfants, reconnue quasiment comme un membre de la famille, dont elle partage les joies et les malheurs quitte à délaisser sa propre famille. Un cahier de photos est intégré au livre et il est amusant de voir notre héroïne, petite femme pleine de volonté et passionnée, féministe avant l’heure, choisissant de vivre une vie non conventionnelle pour concrétiser ses rêves. J’ai eu beaucoup de plaisir à lire ce parcours de vie qui mêle l’histoire de cette femme hors norme aux grands événements historiques du XXe siècle, particulièrement ceux qui marquèrent les Kennedy.
Patureau, Valérie. - La cuisinière des Kennedy. - Les Escales. - 345 p. - 21 €

POUR
A Bakersfield, en 2004, Eden, 11 ans, a disparu en rentrant de l`école. Les recherches sont confiées à l`inspecteur Dwight Myers et à son coéquipier. La police s'oriente vers un jeune qui travaille à la piscine, apparemment inoffensif... Malheureusement, il s'est suicidé et Eden reste introuvable. Quand trois enlèvements de fillettes sont signalés en même temps à Los Angeles, la piste d`un réseau criminel semble se confirmer. L'auteur a su trouver un mobile original et jamais vu. Récit haletant d`une disparition qui se transforme en une effroyable machination. Premier roman aussi efficace que glaçant.

CONTRE
Course contre la montre dans la cité des anges : l’inspecteur Dwight Myers et ses collègues doivent retrouver Eden Rockwell, 11 ans, disparue en rentrant de l’école. Son profil est assez atypique. Abandonnée par ses parents, la jeune fille a grandi dans une famille d’accueil. Élève brillante, son comportement très mature étonnait parfois ses professeurs. Les jours défilent, les disparitions et potentiels suspects se multiplient… Un climat d’insécurité s’installe dans l’esprit des enquêteurs. Le rythme de l’intrigue est soutenu, peut-être trop même ? On a la désagréable impression que tout se débloque immédiatement : nos enquêteurs sont toujours là au bon moment, ils reçoivent toujours un appel pour passer à la scène suivante.... Le déroulement semble donc un peu trop « facile » pour une affaire assez complexe. Personnellement, ça me fait tiquer. Les personnages ne m’ont pas semblé bien intéressants : le protagoniste, par exemple, est ce flic divorcé qui tient beaucoup à sa fille, dont il va rater le concours de danse parce qu’il est trop occupé, au grand dam de son ex... Un peu réchauffé, nan ? Du reste, on suit facilement cette intrigue, ponctuée de découvertes troublantes et de moments de tension. Le résultat parlera sans doute aux grands fans de thriller, les autres peuvent passer leur chemin sans souci.
Penalan, Christophe. - Eden : l’affaire Rockwell. - V. Hamy. - 330 p. - 22€

Près de Millau, un couple vient signaler à la police qu'il n'a plus de nouvelles de sa fille. Sophie l’adjudante arrivée de la banlieue après une relation avec un homme hyper jaloux, se met sur l'affaire. Elle découvre que le portable de Jessica, activiste écologique, a borné pour la dernière fois aux abords des habitats troglodytes de la communauté du Larzac. La jeune fille serait partie vivre dans une bergerie. Sophie doit trouver si elle a disparu volontairement, ou s'il lui est arrivé quelque chose. Il y a aussi Cassandra et Antonin, deux ados cabossés par la vie, qui enchaînent les familles d’accueil. L'autrice rend vivants et crédibles les dialogues entre ados ; avoir placé Esteban et Cassandra au centre de l'intrigue donne à l'enquête un côté attachant, et on sent qu’elle connaît bien les jeunes. Anne Percin parle magnifiquement de la nature, des paysages des Causses, des animaux. Roman réussi, avec quelques notes d'humour.
Percin, Anne. - Les loups de Babylone. - La Manufacture des livres. - 329 p. - 21 €

Ginger apprend la récidive de son cancer et refuse de se faire soigner car l'issue fatale est certaine... Elle veut accomplir son rêve d'enfant avant qu'il soit trop tard : aller chanter à Broadway (d'où son prénom). Tout oppose Ginger et Lola et pourtant elles se confient tout… Ginger est pétillante et sûre d'elle, Lola vit la plupart du temps cloitrée dans sa maison où elle travaille comme traductrice. Son amie indéfectible essaie d’aider Ginger. Elle doit surmonter ses phobies et affronter l'avion ! Pourtant, elle finit par se sentir bien enfin. Toutes deux découvrent le pays et rencontrent des gens qui les aident. C'est le compte à rebours pour avoir le temps de chanter avant d'être malade. Une amitié à toute épreuve où chacune remportera des victoires sur elle-même. C'est une belle histoire, drôle par moments, émouvante à d'autres, mais sans tomber dans le pathos. Un joli roman dont les chapitres commencent par des extraits de chansons de comédies musicales. Roman genre Goûter du lion d'Ogawa, avec plein d'espoir. Je l'ai dévoré !
Ponte, Carène. - Sur scène. - Fleuve. - 236 p. - 19 €

Publié chez Zoé en 2022, accompagné d’une préface de Mona Chollet, La paix des ruches est paru initialement en 1947. Alice Rivaz, écrivaine suisse née en 1901, fait partie de ces écrivaines féministes oubliées. Dans la Suisse des années 40, rares étaient les femmes qui osaient vivre sans dépendre d’un mari, remettre en question les lois du mariage et écrire. Elle s’inscrit dans le mouvement féministe suisse d’après-guerre. Ses romans envisagent le féminisme sous le prisme du quotidien, loin des théories beauvoiriennes ou du roman à thèse. La narratrice, Jeanne Bornand, profite de l’absence de son mari pour écrire dans son journal. Tout comme l’auteure, elle est dactylo et a refusé d’avoir des enfants. Elle déclare ne plus aimer son mari. Elle livre dans ce journal les conversations avec ses amies et collègues. Le roman est tissé de réflexions sur les rapports entre hommes et femmes, sur le mariage et sur l’amour. Jeanne apparait comme une femme qui cherche à se libérer du joug patriarcal : elle ne veut pas procréer et souhaiterait divorcer. Elle dénonce la double journée de travail des femmes, évoque le « mansplaining » ainsi que l’éducation des garçons comme de futurs dominants. Son féminisme ne l’empêche pas de souhaiter tomber à nouveau amoureuse et à fantasmer sur d’autres hommes, afin de ressentir la grâce des premiers émois, avant que l’amour ne s’émousse. Elle décrit également le plaisir du ménage, des tâches ménagères et du shopping. La « ruche » apparait comme la métaphore d’une organisation idéale entre femmes, ayant évincé les hommes.
Rivaz, Alice. - La paix des ruches. - Zoé. - 139 p. - 16 €

Dans ce texte, l’auteure nous raconte son histoire, ainsi que celle de sa mère et celle de sa grand-mère. Elle utilise le « tu » pour parler d’elle-même. « Tu décides d’écrire un livre sur l’émancipation des femmes, du point de vue de ta génération, celle qui n’a pas fait grand-chose, bénéficiant des combats remportés par nos mères, s’étonnant parfois de l’âpreté de ceux de nos filles. » Le récit intime et familial est aussi un récit social : celui de trois générations de femmes (Marianne Rubinstein est née en 1966), des changements sociaux et avancées féministes à travers le siècle.
Rubinstein, Marianne. - Bord de mère. - Verticales. - 100 p. - 15,50 €

Yan Lianke, romancier chinois, a commencé sa carrière dans l’armée, en tant qu’écrivain officiel. Puis, cet esprit libre et rebelle, a poursuivi sa carrière avec des romans, certains frappés par la censure, dans lesquels il n’hésite pas à critiquer le pouvoir, la censure et les absurdités de la société chinoise, comme dans Servir le peuple. En 2017, Songeant à mon père était déjà un récit autobiographique autour de la figure paternelle. Dans L’enfant de Tianhu, il revient sur ses souvenirs d’enfance, qu’il tente d’extraire de sa mémoire paresseuse. Le livre se construit autour du village natal, Tianhu, « centre du monde » comme le pense l’écrivain, enfant. Il mesure l’actuelle décrépitude des bâtiments et de la muraille d’enceinte due au temps qui passe. Il raconte avec poésie ses premiers émois amoureux avec une petite fille de la ville, ses tentatives de fuite dans la montagne pour suivre les pas du poète Li Bai, les croyances et les légendes que les villageois répandent. Il pose un regard critique sur cette période communiste des années 60-70, pendant la révolution culturelle. Ce récit autobiographique est un vrai plaisir de lecture.
Yan Lianke. - L’enfant de Tianhu. - Picquier. - 201 p. - Traduit du chinois. -19 €